Tabaski, nous y sommes

Au Sénégal, lorsque la Tabaski s’approche, cela se fait sentir dans tout le pays. Que de bonnes choses, en effet, accompagnent la fête du mouton célébrée cette année le 17 juin.

Publié le 17 juin 2024   2 commentaires

Huit cent mille moutons c’est ce qu’il faut dans tous les darals [1] pour satisfaire la demande des Sénégalais. Les pays ravitailleurs sont le Mali et la Mauritanie ; la zone d’entrée reste Tambacounda, une région frontalière dans l’est du pays. Dans ce troupeau de moutons, chaque père de famille essaie tant bien que mal de décrocher précieusement son bélier à lui pour avoir de quoi sacrifier le jour de l’Aïd el Kébir. Pendant que la population s’extrait progressivement de Dakar pour aller se déverser en quantité dans les coins les plus reculés du Sénégal.

Tabaski, une fête pour les uns et pour d’autres

C’est la période idéale de faire du business. Dans les 40 000 unités de couture que compte le Sénégal, les machines tournent 24 heures sur 24 pour réaliser les plus belles borderies et rendre à temps la commande des clients composés de toutes les classes d’âge : enfant, adulte, femme, adolescent, homme, vieux. Tabaski, c’est le moment à ne pas manquer pour se faire beau de la tête au pied (nouveaux habits traditionnels à porter, de nouvelle coupe de cheveux, chaussures neuves et des meubles pour installer dans un cadre somptueux la chambre à coucher et le salon de la maison). Tabaski, un business fructueux pour les menuisiers, les tailleurs, les salons de coiffure, les vendeurs de chaussures, les tatoueurs, les éleveurs,…Décidément tout le monde tire son épingle du jeu.

Le jour J pas besoin de se demander à quel jour nous sommes. La devanture des maisons balayée très tôt par les femmes, la lecture du coran qui échappe agréablement des haut-parleurs des mosquées nous le murmurent. Au plus tard à 10 heures du matin, l’imam, suivi par une petite délégation en file indienne, s’oriente lentement vers la cour de la mosquée pour diriger la prière. Après le houbeu [2] de l’imam pour rappeler le sens de la fête et les obligations pour le musulman de respecter les préceptes religieux, l’occasion est donnée aux fidèles d’adresser au Tout Puissant leurs vœux tout en espérant fortement qu’ils seront exaucés.

Prière et sacrifice

Quelques salutations par-ci, quelques demandes de pardon par-là, l’imam prend son couteau, à la fin de la prière, pour le dérouler gracieusement sur la gorge du bélier. L’acte de sacrifice est lancé avant que les fidèles musulmans de son quartier en font de même comme le voudraient les recommandations religieuses.

A 11 heures, toutes les familles musulmanes sont occupées. Si le père de famille et ses enfants dépècent soigneusement le mouton, les femmes, quant à elles, sont dans la cuisine.

Pour le dépeçage, à chacun son astuce. Les uns se servent de lames, d’autres d’un couteau. Certains, par contre, gonflent la bête avec l’air de leur bouche pour pouvoir détacher facilement la peau de la viande. Une fois le dépeçage terminé ainsi que le nettoyage des intestins, quelques minutes s’écoulent pour passer au premier round de la graille. Au menu : viande grillée, avec sauce d’oignon bien épicée. De quoi faire saliver les gourmets.

Tabaski Sénégal

Un repas de solidarité

Au-delà de 3 tours d’horloge d’attente, toute la famille se regroupe autour du bol pour le déjeuner pour symboliser une nouvelle fois la convivialité. Précédemment les familles musulmanes se sont échangé gentiment des morceaux de viande. Même les quelques familles catholiques du quartier sont touchées par ce beau geste de solidarité.

Dans l’après-midi, à partir de 17 heures, c’est la visite de courtoisie des adultes chez les proches et les amis pour demander pardon, histoire aussi de raffermir les liens.

Aujourd’hui le drapeau blanc flotte au-dessus des toits de toutes les maisons ; il est même hissé entre ennemis jurés. Les enfants, eux, durant deux jours successifs, se rendent régulièrement dans chaque maison catholique comme musulmane pour leur traditionnel ndeweneul [étrennes]] sous le regard moins imposant du soleil qui s’apprête à se coucher.

Et comme dans la journée, l’ambiance dans les rues domine la nuit. Malheureusement pour ceux qui sont rassasiés, ils se précipitent dans les bras de Morphée. Et le lendemain, au réveil on se hâte de leur sourire tout en leur demandant avec un air moqueur si xarr bi mbeukoulén [3].

Tabaski, une période propice pour le business, un moment de prière, de paix, de pardon, de joie mais surtout de retrouvailles entre membres d’une famille qui sont restés des années durant sans se voir.

Tabaski nous y sommes, comme le laisse d’ailleurs entendre le refrain de ce titre du groupe de rap sénégalais Rap’Attack.


[1point de vente de ruminants en wolof

[2prêche en wolof

[3Expression wolof pour demander à quelqu’un s’il n’a pas eu une indigestion à cause d’une consommation excessive de la viande du mouton de Tabaski.

Amédine Faye

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Lire 2 commentaires

  • 17c8fac6d2781948a1b39eea7c6d57ea

    Bientôt la Tabaski. Jadis, on exigeait à nos parents des moutons bien costauds, des habits à la mode, des chaussures, une tête bien faite ; aujourd’hui c’est notre tour et Dieu sait comme c’est dûr. Thiey Tabaski.

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  • 17c8fac6d2781948a1b39eea7c6d57ea

    Le fond, le texte, les images, c’est beau.

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