Blaise Adolphe Diagne est né le 13 octobre 1872 sur l’île de Gorée. Il est d’ascendance lebou et wolof. Fils de Niokhor, un Sérère de Gorée qui était marin-cuisinier, et Gnagna Preira, une mandjaque originaire de Guinée-Bissau, Blaise Diagne, naît Gaiaye M’Baye Diagne. Il est très tôt adopté par la famille Crespin, une famille respectée de métis originaires de Gorée et de St-Louis. C’est son père adoptif, Adolphe Crespin, qui lui donnera le prénom de Blaise.
Il apprend très tôt à lire et à écrire, bénéficie d’une éducation solide qui s’appuie sur d’incontestables qualités intellectuelles. Il étudie à l’école des frères de Gorée, puis à l’école laïque de St-Louis. Il figure ainsi au palmarès de la distribution des prix de l’école laïque de Saint-Louis en août 1884.
Boursier du gouvernement, il va poursuivre ses études en France, à Aix-en-Provence. Malade, il revient poursuivre ses études à l’école secondaire des frères de Ploërmel (ou de Duval) puis prépare en 1891 le concours d’entrée dans la fonction publique au service des Douanes où les places réservées aux Africains sont assez peu nombreuses à l’époque.
Blaise Diagne se marie avec Marie Odette Villain. Ils auront quatre enfants dont Adolphe, médecin militaire, Rolland, fonctionnaire dans les Chemins de fer et Raoul, footballeur professionnel et le premier footballeur africain à être sélectionné en équipe de France.
Début de carrière :
Diagne est reçu au concours en 1892 et pendant les années qui vont suivre travaille comme fonctionnaire des Douanes, occupant des postes dans des localisations géographiques variées au Sénégal, au Dahomey (jusqu’en novembre 1892), au Congo jusqu’en 1898, à la Réunion (1898-1902) où il sera initié aux mystères de la Franc-Maçonnerie, puis Madagascar (1902-1903) où ses opinions avancées déplaisent à Gallieni.
Envoyé en Guyane en 1910, ses liens avec le gouverneur sont facilités par leur appartenance commune au Grand Orient de France.
En 1914, il est nommé Contrôleur des Douanes en Guyane. Au début de sa carrière, il est bien noté par ses supérieurs qui estiment néanmoins qu’il manque par trop de respect envers les hommes d’affaires et les fonctionnaires français, ce qui lui vaut deux mois de suspension en 1899 pour insubordination (un de ses supérieurs le décrit comme un « caractère indiscipliné et frondeur. »).
Conscient que sa carrière de fonctionnaire ne lui permet pas d’envisager une carrière politique, Blaise Diagne décide de se présenter à la députation à Dakar.
Diagne député :
Il se présente dans la circonscription des « Quatre communes » du Sénégal (St-Louis, Rufisque, Dakar et Gorée) qui jouissent d’un statut spécial unique dans l’empire colonial africain de la France. Ce statut confère à leurs habitants la possibilité de voter lors des élections : ils peuvent élire des conseillers municipaux et un député. Le gagnant des élections législatives représente les quatre communes au palais Bourbon.
Diagne part avec un désavantage car est inconnu de la plupart de ses électeurs (il a quitté le pays en 1892).
Il bénéficie néanmoins du soutien de Galandou Diouf, un africain membre du conseil général qui s’est fait remarquer par ses prises de position hostiles à l’administration.
Il est aussi soutenu par Cheikh Amadou Bamba, le chef de la communauté Mouride. Il est également appuyé par Assane Ndoye, un des chefs de la communauté Lébou dont le soutien compense son manque de notoriété.
Enfin, il est épaulé par Amadou Duguaye Cledor qui restera un fidèle parmi les fidèles. Diagne cristallise les espoirs d’une génération qui rêve de se voir représenter par un Noir au palais Bourbon.
Diagne est tenace, il convainc le groupe des « jeunes africains », menés par Lamine Gueye (le futur leader du Parti Socialise sénégalais), de se rassembler derrière sa candidature et obtient le soutien des petits commerçants français, parmi lesquels Jean Daramy D’oxoby, qui dirige le journal « la démocratie », un journal qui deviendra l’organe officiel de la campagne de Diagne. Les élections sont houleuses car le poste risque d’échapper, pour la première fois, aux Français et aux Métis qui se le « partage » depuis 1897.
Au premier tour, le 26 avril 1914, Diagne arrive en tête avec 1 910 voix contre 671 à son concurrent direct le député sortant Carnot.
Lors du second tour qui a lieu le 10 mai, Diagne l’emporte avec 2 424 voix, le second, Heimburger obtient 2 249 voix, contre 472 à Carpot, le député sortant qui ne finit que troisième.
A Paris, c’est la surprise. Le ministre des colonies ne comprend pas ce qui se passe, les marchands de Bordeaux protestent auprès de William Ponty, le gouverneur général.
Les adversaires de Diagne manœuvrent pour essayer de faire invalider l’élection, le destabiliser, voire l’acheter... Mais l’élection de Diagne est malgré tout validée, ce qui est à mettre au crédit de William Ponty, gouverneur de l’AOF. Blaise Diagne arrive au palais Bourbon en juillet 1914.
Il est le premier Africain de l’histoire française à siéger au palais Bourbon, il y est surnommé « la Voix de l’Afrique ». Membre du groupe Union républicaine radicale et radicale-socialiste animé par Maurice Viollette, franc-maçon lui aussi, il est réélu sans interruption jusqu’à sa mort, malgré des campagnes systématiquement hostiles de ses adversaires colonialistes, qui n’aiment pas voir un Noir à l’Assemblée.
« Je suis noir, ma femme est blanche, mes enfants sont métis, quelle meilleure garantie de mon intérêt à représenter toute la population ? » dit-il.
Blaise Diagne adhère à la Section française de l’Internationale ouvrière (SFIO-Parti Socialiste) en décembre 1917, mais aucun document n’a été retrouvé sur la date de son départ du parti, probablement peu après son arrivée.
Il rallie ensuite le Parti républicain-socialiste puis les indépendants de Georges Mandel.
En août 1914, la France entre en guerre.
Il réussit à faire voter la loi du 29 septembre 1916 conférant la nationalité française aux sénégalais issus des quatre communes, sans les soumettre au Code Civil ni leur faire perdre leur statut personnel.
Diagne entre au Gouvernement :
En 1917, un tournant intervient pour le député Diagne. L’armée française a besoin de « forces vives » et de renforts dans les tranchées du Nord de la France. Diagne bénéficie de la confiance des Africains, et en Afrique, il y a eu plusieurs révoltes contre l’enrôlement destiné à pourvoir la France en hommes. Il est donc sollicité par Clemenceau qui crée un poste spécial dans son gouvernement (commissaire général des troupes africaines avec rang de sous-secrétaire d’État aux colonies) pour lui et l’envoie en mission en Afrique.
Il mène avec succès des missions en Afrique occidentale française pour organiser le recrutement militaire en cette période de guerre. De février à août 1918 et de Dakar à Bamako, il essaye de convaincre ses compatriotes de venir se battre en France tout en leur promettant des médailles militaires, un certificat de bien manger, un habillement neuf et surtout la citoyenneté française aux combattants après la guerre. Les primes aux recruteurs sont aussi fortement augmentées.
Il réussit à mobiliser 63 000 soldats en AOF et 14 000 en AEF. Il retrouvera d’ailleurs cette fonction de 1931 à 1932, dans le premier gouvernement de Pierre Laval.
Au Sénégal, le nouveau gouverneur Gabriel Angoulvant qui rechigne à le recevoir est prié par Georges Clemenceau d’accueillir Diagne à sa descente de bateau avec tous les honneurs dus à son rang.
A son retour, il sera sollicité pour recevoir la Légion d’Honneur, récompense qu’il refusera d’accepter considérant n’avoir fait que son devoir.
Le rôle de Diagne en cette fin de première guerre mondiale l’installe désormais comme un personnage incontournable dans les rapports entre la France et les colonies.
Il ne fait cependant pas l’unanimité et ses détracteurs ne manquent pas de l’attaquer. Le journal « Les Continents » l’attaque en disant qu’il aurait reçu de l’argent pour avoir recruté des Africains. Blaise Diagne poursuit l’éditeur en justice et Clemenceau témoigne en sa faveur, déclarant que Diagne avait mis fin à la « révolte des Africains par la seule force de sa personnalité et que la question d’une quelconque récompense financière ou autre pour services rendus n’avait jamais été soulevée. »
En 1919, Diagne est président du premier congrès panafricain à Paris où il rencontre Web Du Bois qui prône le panafricanisme sans tenir compte des frontières et Marcus Garvey, avocat du panafricanisme et du « Back to Africa ».
Diagne déclare alors : « Nous africains de France avons choisi de rester français puisque la France nous a donné la liberté et qu’elle nous accepte sans réserves comme citoyens égaux à ses citoyens d’origine européenne. Aucune propagande, aucune influence de la part de Noirs ou de Blancs ne peut nous empêcher d’avoir le sentiment que la France seule est capable de travailler pour l’avancement de la race noire. »
Diagne est intransigeant lorsqu’il s’agit de dénoncer les actes racistes. En 1919 par exemple, deux touristes américains chassent deux officiers africains d’un bus car ils ne comprennent pas que la ségrégation raciale ne soit pas appliquée en France. Diagne proteste au parlement ce qui conduit le président de la République, Raymond Poincaré à se prononcer clairement et publiquement contre les discriminations liées à la couleur.
L’influence politique de Diagne :
En 1922, il se signale une nouvelle fois au parlement prenant la parole au lendemain d’un scandale sportif qui a fait grand bruit : le boxeur Battling Siki, originaire du Sénégal (St-Louis), est dépossédé de son titre après sa victoire sur Marcel Carpentier par la fédération française qui revient sur la décision de l’arbitre (Siki a gagné par KO, l’arbitre l’a déclaré perdant, mais les protestations du public contre une injustice flagrante l’ont conduit à redonner la victoire à Siki).
« Si je m’exprime aujourd’hui » dit Diagne, « c’est pour que ce genre de choses ne se reproduise pas à l’avenir. Il est inconcevable qu’on ait privé Siki de sa victoire simplement parce qu’il est Noir ». Le titre sera finalement redonné à Siki malgré les critiques.
Diagne continue à ne pas laisser indifférent et est qualifié par certains de traître pour avoir amené des Africains combattre aux côtés de la France pendant la première guerre mondiale. D’autres le louent pour avoir renforcé la position des « peuples de couleur » dans l’empire. Les milieux coloniaux conservateurs le juge trop pro-africain et hostile à l’administration.
Diagne est en 1921 président de la commission sur les colonies. Il négocie avec les riches commerçants bordelais (qui lui étaient hostiles à ses débuts), ce qui ne plaît pas à ses détracteurs.
Une opposition composée de jeunes africains a même essayé de lui faire mordre la poussière lors des élections en 1918, sans succès.
Lamine Gueye, qui a bénéficié de l’aide de Diagne à ses débuts à Paris, entame sa propre carrière politique et devient un opposant à Diagne. Gueye pousse Paul Deferre (père de Gaston Deferre, futur maire de Marseille), avocat à Dakar, à se présenter contre Diagne. Ce dernier bat facilement Deferre et sera constamment réélu (en 1928 face à son ancien compagnon Galandou Diouf qui s’est retourné contre lui, et en 1932 notamment, grâce à son action en faveur des paysans).
Il reçoit chez lui le jeune Leopold Sedar Senghor qu’il considère comme son correspondant à Paris et qu’il emmène à l’occasion en randonnée avec sa famille.
Les derniers combats de Diagne :
Il livre au début des années 30 la « bataille de l’arachide » en usant de toute son influence politique et en mobilisant tous ses réseaux économiques et politiques pour que la chambre des députés accorde une subvention à l’arachide sénégalaise victime de la crise mondiale qui sévit en ce début des années 30.
Diagne entre en 1931 dans le cabinet dirigé par Pierre Laval comme sous-secrétaire d’Etat aux colonies, fonctions qu’il conservera dans les 2ème et 3ème cabinet de Laval. Ses détracteurs l’accuseront d’être un vieux politique coupé des réalités africaines dans son ministère...
La bataille livrée pour obtenir des subventions pour l’arachide sénégalaise a affaibli Diagne qui est malade. Alors qu’il est en voyage officiel en AOF, Diagne ressent un malaise et est rapatrié en France où il décède à Cambo-les-Bains le 11 mai 1934.
Défenseur des intérêts africains tout en étant « assimilé », présent au cœur des rouages de la vie politique française, Diagne préfigure ce que seront les carrières d’autres députés africains au lendemain de la seconde guerre mondiale comme Galandou Diouf, Léopold Sédar Senghor, Lamine Gueye ou encore Félix Houphouët-Boigny qui hériteront tous du « style Diagne ». Tous ses lieutenants, même si certains sont devenus ses adversaires par la suite, deviendront des ténors de la politique sénégalaise.
Parmi les nouveaux chefs d’Etat africains après les indépendances, beaucoup étaient, comme Diagne, d’anciens députés du palais Bourbon...Mais la mort de Diagne marque la disparition de celui qui fut peut-être le Noir le plus notoire de son temps, et un des hommes politiques africains les plus influents de la première moitié du 20ème siècle.
Blaise Diagne Franc-Maçon :
Blaise Diagne est devenu franc-maçon alors qu’il était fonctionnaire des douanes à la Réunion.
Il a été initié le 21 septembre 1898 dans la Loge L’Amitié du Grand Orient de France à Saint-Denis de la Réunion. Il accède à la Maîtrise en 1901 et, selon ses affectations, travaillera dans différents Ateliers comme l’Indépendance Malgache de Tamatave, Les Inséparables du Progrès à Paris, l’Union Guyanaise ou la Loge Pythagore dont il fut le Vénérable Maître de 1922 à 1926.
Blaise Diagne est le 1er franc-maçon de couleur à accéder au Conseil de l’Ordre du Grand Orient de France en 1922. Membre du Comité permanent des loges d’outre-mer, créé en 1919, il s’occupe en particulier des loges d’Afrique, et pendant un temps, de celles de Madagascar.
Il sera jusqu’à sa mort en 1934, un franc-maçon actif.
M. Alassane Diagne, petits fils du défunt apporte les précisions suivantes : " Blaise DIAGNE n’a pas été inhumé à la porte du cimetière à cause de son appartenance maçonnique mais plutôt en reconnaissance des services rendus à la France d’une part, au monde noir en général d’autre part et particulièrement au Sénégal, et en voulant respecter son propre vœu d’être inhumé à côté de sa maman Gnagna Antoine Pereira, l’Etat français a acquis le titre foncier et confectionna la tombe de marbre ainsi que la statut en bronze à l’entrée du cimetière.
Ainsi son inhumation à l’entrée du cimetière n’était rien d’autre qu’un acte de reconnaissance à son rang et à la grande œuvre qu’il accompli pendant les 63 ans de sa vie.
J’ai par devers moi même le titre foncier en question ainsi que toutes les photos de la cérémonie de son inhumation depuis l’arrivée de sa dépouille mortelle au port de Dakar jusqu’à son inhumation.
Il en fallu entre le 11 mai 1934, date de sa mort, et le 18 décembre 1934, acquérir le terrain, construire la clôture et le portail, confectionner l’embase en marbre, faire sa statue, transporter le corps (qui a été embaumé à fin de conservation)....et organiser le protocole de son inhumation. Vous pouvez vous imaginer qu’à l’époque six mois furent nécessaire.
Postérité
Le souvenir du premier Africain ministre de la République française reste vivant au Sénégal. Plusieurs lieux publics portent son nom : l’avenue Blaise-Diagne, une des plus grandes de Dakar, le lycée Blaise-Diagne de Dakar et, sous la présidence de Abdoulaye Wade, l’aéroport international du Sénégal, à une quarantaine de kilomètres de Dakar, a été nommé aéroport international Blaise-Diagne.
Un buste honore sa mémoire sur l’île de Gorée.
27 décembre 2023 à 11:15, par DIAGNE Clovicien
Arrière grand-père (Elagaye Mbaye DIAGNE, Père de mon grand-père Camille DIAGNE
Blaise DIAGNE est aussi le père de mon grand oncle Antoine et de ma grande Tante Berthe DIAGNE.
Berthe DIAGNE est la mère de Brice Stanislas le père de Berthin /
Blaise DIAGNE est le Père de Raoul DIAGNE l’oncle de mon père et ses frères et soeurs.
Enfin l’éclairage sur les traces de celui qui a donné naissance à la famille DIAGNE en Guyane... Parmi les petits fils décédés de Blaise DIAGNE (Elagaye Mbaye DIAGNE reconnu BlaiseDIAGNE par CRESPIN) figure : Auguste Blaise DIAGNE (mon oncle),
Nesti DIAGNE (mon père décédé)
Albert DIAGNE (mon oncle décédé)
Adélaïde DIAGNE et Simon DIAGNE sont les seuls qui vivent en Guyane française à Kourou.
Merci à M. Madiambal DIAGNE, PDG de l’ UPF International (Sénégal) pour l’information ce lundi 25 décembre 2023.
Toute ma famille en Guyane a vécu sans le savoir avant le 25 décembre 2023
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