Les talibés au Sénégal : qui sont-ils vraiment ?

Les talibés, figures emblématiques du paysage religieux sénégalais, sont des enfants ou des jeunes confiés à un marabout pour recevoir un enseignement religieux dans des écoles coraniques appelées « daaras ».

Publié le 1er octobre 2024  

Il est essentiel de distinguer trois catégories souvent confondues : les talibés élèves, les talibés disciples, et les enfants talibés exploités par des marabouts peu scrupuleux.

Les talibés élèves

Le terme « talibé » provient de l’arabe « طالب » (talib), signifiant « chercheur » ou « étudiant ». Historiquement, les talibés sont des jeunes en quête de savoir, principalement religieux. Ils sont confiés à des marabouts pour étudier le Coran dans des daaras. Ces écoles jouaient un rôle central dans la formation spirituelle, intellectuelle et sociale de la jeunesse musulmane. Les élèves suivent un programme structuré centré sur la mémorisation du Coran et, dans certains cas, l’apprentissage de l’arabe.

Le modèle traditionnel des talibés repose sur des daaras situés dans des zones rurales, où les conditions de vie sont frugales, mais fondées sur l’entraide communautaire. Ces talibés étaient souvent destinés à devenir les porteurs de la foi islamique. À l’époque, ils quittaient fréquemment les daaras pour aller chercher leur repas auprès des habitants, une pratique qui, bien que modeste, s’inscrivait dans le cadre de leur apprentissage.

Des enfants talibés apprenant le coran dans un Daara

Les disciples talibés

Le Sénégal est l’un des pays les plus islamisés d’Afrique subsaharienne. L’islamisation du pays a culminé au XVIIe siècle avec l’émergence de confréries religieuses telles que le mouridisme fondé par Cheikh Ahmadou Bamba, la Tijaniya d’El Hadj Malick Sy, la Layeniyya de Seydina Limamou et la Khadriya impulsée par Cheikh Saad Buh. Ces marabouts ont joué un rôle clé dans l’édification de l’islam, à travers leurs écrits, leurs prêches et leurs actions quotidiennes, visant à éduquer, former et encadrer leurs fidèles.

Les disciples talibés, appelés aussi « talibés », entretiennent une relation plus profonde avec leur marabout. Contrairement aux élèves talibés, ils ne suivent pas seulement un enseignement religieux, mais s’impliquent aussi dans des aspects sociaux, politiques et économiques. Les disciples mourides, par exemple, se distinguent par leur tenue vestimentaire et leurs salutations, notamment par un geste spécifique lors de la poignée de main, accompagné de l’effleurement du dos de la main. Le port de la photo de leur marabout autour du cou est également un symbole fort de leur affiliation.

Pareillement, « le adiya » (dons pieux) fait aussi partie des fondements de la relation entre le disciple et son maître spirituel. Ces aumônes fortifient le lien qui relie le disciple qui est dans une quête de la divinité, à son guide spirituel.

Cette proximité avec leur maître spirituel fait d’eux des acteurs influents au sein des confréries, souvent impliqués dans la vie politique et socioculturelle.

Les disciples talibés Baay Fall

Les enfants de la rue

À ne pas confondre avec les talibés des daaras, les enfants de la rue, très souvent originaires de pays voisins tels que la Guinée, le Mali ou la Gambie, ne reçoivent pas d’enseignement religieux. Leur survie dépend de la mendicité, qu’ils pratiquent pour subvenir à leurs besoins ou à ceux de leurs familles. Ces enfants se retrouvent généralement aux feux de signalisation, aux ronds-points ou à la sortie des banques. Certains d’entre eux servent aussi de guides pour des personnes en situation de handicap, devenant ainsi des « accompagnateurs de mendiants ».

Des enfants de la rue à Dakar

L’exploitation des enfants talibés

Selon Human Rights Watch, la mendicité organisée par certains marabouts rapporterait environ cinq milliards FCFA par an aux marabouts. Cette pratique relève d’une exploitation pure et simple. [Les enfants talibés->15743 sont contraints de mendier des heures pour verser une cotisation journalière à leur maître. Assimilée à un « travail à temps plein », cette situation concerne des milliers d’enfants, majoritairement issus de familles rurales démunies, envoyés dans des daaras urbains où les conditions de vie sont souvent déplorables : surpopulation, malnutrition, absence d’éducation formelle et mauvais traitements.

Un enfant mendiant qui prend son repas du midi dans la rue

Dans certains daaras dits « illégitimes », les enfants subissent des violences physiques, sont privés de soins médicaux et exposés à de nombreux dangers. En 2018, des incendies dans des foyers insalubres ont coûté la vie à plusieurs enfants.

Il est donc impératif de distinguer les talibés élèves, qui suivent un apprentissage religieux authentique, des disciples, bras droits des marabouts, et des enfants exploités, victimes d’un système corrompu qui se cache derrière le prétexte de la formation spirituelle.

Cheikh Ndiaye

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