Dans un championnat national encore balbutiant, ces femmes ont dû faire preuve de résilience et de détermination pour se faire une place.
Mais aujourd’hui, la situation évolue à grands pas, et certaines d’entre elles brillent désormais sur les terrains européens. Au cœur de cette évolution, Safietou Sagna, la capitaine de l’équipe nationale féminine de football, incarne cette détermination et cette lutte pour la reconnaissance du football féminin. Hapsatou Diallo, l’étoile montante, suit ses traces avec audace, prouvant que le potentiel est là, prêt à éclore. Ensemble, elles ouvrent la voie à une nouvelle génération, témoignant de l’immense potentiel du sport féminin au Sénégal.
Safietou Sagna : capitaine courage !
À 30 ans, Safietou Sagna est bien plus qu’une simple footballeuse ; elle est le symbole du courage et de la passion pour le football féminin au Sénégal. En tant que capitaine de l’équipe nationale, elle inspire des générations de jeunes joueuses qui rêvent de porter les couleurs de leur pays sur la scène internationale.
Son parcours, jalonné de défis, illustre le dévouement nécessaire pour s’imposer dans un domaine souvent perçu comme difficile pour les femmes.
« C’était difficile. Je me cachais pour aller aux entraînements ». Issue d’une famille diola et d’un milieu où le football est traditionnellement réservé aux garçons, Safie a dû se battre pour poursuivre sa passion. « J’ai commencé à jouer au football à l’âge de neuf ans, au sein de l’Uasso. Par la suite, j’ai intégré l’école de football « Aicha » pendant un certain temps. Ensuite, j’ai rejoint le Casa Sport en 2008. J’y ai poursuivi mon évolution jusqu’à la montée en première division du championnat du Sénégal lors de la saison 2010/2011. En 2017, j’ai intégré le lycée Ameth Fall de Saint-Louis avant de signer avec l’USPA des Parcelles Assainies pour la saison 2019/2020. Je n’y suis restée qu’une seule saison, car en 2021, j’ai déménagé en France, où j’ai joué une saison à Bourges, puis deux ans au FC Metz. Actuellement, j’évolue au Saint-Malo en deuxième division française », nous a-t-elle déclaré.
Pionnière dans l’histoire du football féminin sénégalais, Safietou Sagna, qui a honoré sa première sélection en 2011, a contribué à la qualification des Lionnes pour leur première Coupe d’Afrique des Nations en 2012. Aujourd’hui, elle appelle à une plus grande reconnaissance du talent des footballeuses sénégalaises.
« Personnellement, je pense que les exigences sont les mêmes, que ce soit pour les hommes ou pour les femmes. Le football professionnel requiert beaucoup de rigueur et de sacrifices. Certes, au Sénégal, le regard de la société est différent, car on considère souvent que le football n’est pas un sport pour les femmes. Heureusement, en Europe, nous n’avons pas ce problème. Tout se passe très bien et nous sommes tous sur un pied d’égalité. »
En guise de conseil, elle déclare ; « Ce que j’ai à dire aux jeunes filles qui souhaitent se lancer dans le football féminin, c’est d’y croire. Aujourd’hui, les choses ont évolué et il y a une grande visibilité, notamment grâce à la médiatisation de l’équipe nationale féminine qui obtient de bons résultats. On constate que lors des rassemblements, de nombreuses joueuses viennent d’Europe, ce qui témoigne d’un réel engouement. De plus, comme pour le football masculin, les jeunes filles peuvent voyager, travailler, gagner leur vie et aider leurs familles. Il y a beaucoup d’argent investi dans le football féminin, notamment par la fédération sénégalaise et la FIFA. Donc, j’encourage toutes les filles qui veulent se lancer à foncer, car cela leur permettra de poursuivre leur passion et de réussir professionnellement. À notre époque, c’était plus difficile en raison de la stigmatisation et des préjugés », nous a-t-elle confié avec conviction.
Hapsatou Malado Diallo : À jamais la première !
Il n’y a pas si longtemps, précisément le 10 septembre 2024, Hapsatou Malado Diallo a marqué l’histoire en devenant la première joueuse sénégalaise à disputer la Ligue des champions féminine de l’UEFA. L’attaquante de Galatasaray a fait son apparition à la 67e minute lors du premier match de la phase de groupes, que son équipe a perdu 0-3 face à Lyon. À seulement 19 ans, la native de Tambacounda (Sud-Est, Sénégal) incarne une nouvelle génération de footballeuses déterminées à briser les barrières socio-culturelles.
Son parcours est déjà impressionnant : première Sénégalaise à avoir signé un contrat professionnel en Espagne (Eibar). Malado a rapidement rejoint le prestigieux Galatasaray, sous forme de prêt, après avoir côtoyé sur les pelouses espagnoles les meilleures footballeuses, dont la double Ballon d’Or, Aitana Bonmatí. En 2019, elle fait ses débuts en première division sénégalaise en rejoignant le club des Aigles de la Médina de Dakar. Peu après, elle signe avec l’Union sportive des Parcelles Assainies, club avec lequel elle décroche la Coupe du Sénégal et le titre de championne en 2022.
Cette même année, Malado Diallo est appelé en équipe nationale A, après avoir évolué chez les moins de 17 ans et les moins de 20 ans. Avec les seniors, elle a déjà marqué six buts et participé à la Coupe d’Afrique des Nations (CAN) pour la deuxième fois dans l’histoire du Sénégal, après celle de 2012. Une ascension fulgurante et un symbole d’espoir pour le football féminin sénégalais. Hapsatou Diallo prouve que les jeunes filles peuvent rêver grand et réussir, peu importe les obstacles.
Meta Camara : « Si les jeunes filles n’ont pas un mental d’acier, il sera difficile pour elles de percer… »
Pour continuer dans cette dynamique inspirante, Meta Camara (27 ans), une autre figure emblématique du football féminin sénégalais, partage également son expérience. À 27 ans et forte de quatre ans d’expérience dans le football professionnel européen, cette défenseure internationale estime qu’il reste encore beaucoup à faire pour le développement et la promotion du football sénégalais, malgré les efforts de ceux qui se battent pour le football féminin. Entre souvenirs et réflexions, elle a partagé son parcours à notre micro.
« J’ai commencé à jouer au football à l’âge de sept ans. À cette époque, je jouais avec les garçons de mon âge dans la rue. Parfois, nous organisions même des matchs en misant de l’argent. Il m’arrivait de sortir de chez moi vers midi et de ne rentrer qu’à 17 heures (rires). Je n’avais même pas le temps de manger, vous vous rendez compte ? À 14 ans, j’ai intégré l’école de football Malick Niang 2 à Tambacounda. En 2010, une équipe appelée Baobab de Tamba m’a contactée pour rejoindre leur équipe féminine. Comme j’avais l’habitude de jouer avec des garçons, j’ai un peu sous-estimé le niveau des filles. À ma grande surprise, j’ai réalisé qu’elles avaient un excellent niveau. Finalement, j’ai rejoint le Mediour de Rufisque, un club à Dakar, en 2012. C’est là que j’ai vraiment intégré le milieu professionnel, entourée de joueuses très talentueuses. La concurrence était forte, ce qui rendait difficile ma place en tant que défenseur central, mais j’ai bataillé pour gagner ma place. Cela a payé, car j’ai remporté mon premier trophée en 2012 avec la Coupe du Sénégal. Lors de la saison 2013-2014, j’ai également remporté le championnat en plus de la Coupe du Sénégal », se souvient la défenseuse centrale.
En poursuivant son ascension, Méta évoque ses choix de carrière qui l’ont menée vers de nouveaux horizons. « En 2019, j’ai quitté Rufisque pour rejoindre Dakar Sacré-Cœur, et je suis fière d’avoir contribué à la montée du club en D1 lors de la saison 2019-2020. J’y suis restée une saison avant de rejoindre un autre club aux Parcelles Assainies (USPA). Là aussi, j’ai aidé le club à monter en première division. C’est à ce moment-là que j’ai signé mon premier contrat professionnel en France avec le Bourges FC. Après deux ans, j’ai changé de club pour rejoindre FF Yzeure, puis Eso La Roche (D3 France), où j’étais la capitaine. Enfin, j’ai posé mes valises au Trabzonspor (D1 Turquie). » Une véritable consécration.
Avec un peu de recul et une pointe de regret, l’internationale sénégalaise partage avec nous les défis quotidiens liés à sa passion. « Il m’arrive de penser que je n’ai plus de vie. Du lundi au dimanche, mon quotidien tourne autour du football. Si je ne suis pas avec mon club, je suis avec l’équipe nationale du Sénégal. Par exemple, la saison dernière, nous avons terminé en mai, et en juin, je devais rejoindre l’équipe nationale pour préparer les qualifications à la Coupe d’Afrique en juillet. En août, c’est la pré-saison avec le club, car le championnat commence en septembre. Vous voyez, c’est un rythme infernal. C’est difficile à expliquer, mais je fais énormément de sacrifices. Je n’ai pas de temps pour moi, ni pour ma famille ou mes proches. Parfois, c’est très dur, et sans ma passion, je n’aurais pas tenu le coup. Je suis quelqu’un qui ne souhaite pas passer toute sa vie dans le football. J’ai envie de changer d’air et de profiter de la vie. »
Enfin, elle aborde la question des mentalités et des défis spécifiques auxquels les femmes footballeuses se heurtent. « Ce n’était pas facile au début. J’ai grandi dans une famille assez stricte, et c’était mal vu pour une fille de jouer au football avec des garçons. Cependant, je dois avouer que ma mère ne m’a jamais jugée. Même si elle ne comprenait pas grand-chose au football féminin, elle m’a toujours soutenue. Mes sœurs ont également compris que c’était ma passion, et elles m’achetaient des maillots et des équipements. Au fur et à mesure que je gagnais des trophées, je les ai introduits dans le monde du football féminin. Ce n’est pas facile pour les femmes de s’imposer dans le football au Sénégal, nous sommes des pionnières. Nous avons changé les mentalités et permis au peuple sénégalais de découvrir le football féminin, tout en nous accordant une légitimité. Depuis toujours, je me suis dit qu’un jour, je ferais partie des grandes joueuses que l’on voit à la télévision. Dieu merci, cela s’est réalisé », lance-t-elle fièrement.
Pour conclure, Meta Camara met en lumière la pression accrue qui pèse sur cette génération. « Je pense que la pression est encore plus forte pour la nouvelle génération de footballeuses. Au Sénégal, beaucoup de mentalités doivent changer. Si les jeunes filles n’ont pas un mental d’acier, il sera difficile pour elles de percer. Je conseille à mes jeunes sœurs d’être humbles, d’avoir un bon entourage, de respecter leurs études et de limiter leurs fréquentations. Il est aussi crucial d’être professionnelles, de respecter les entraînements et de ne pas prêter attention aux critiques sur les réseaux sociaux. La stigmatisation et la discrimination autour du football féminin sont encore présentes au Sénégal. »
Ndeye Awa Diakhaté : meneuse de feu et femme au foyer…
Ndeye Awa Diakhaté, 28 ans, meneuse de jeu de l’équipe nationale de football du Sénégal, a dû surmonter de nombreux défis pour vivre sa passion. Bien qu’elle soit issue d’une famille de sportifs, elle a dû convaincre ses parents d’accepter son choix de devenir joueuse professionnelle.
Un pari audacieux pour une jeune fille évoluant dans un environnement où le football féminin reste controversé. « Ce n’était pas évident, surtout avec notre père, imam de notre quartier à Richard-Toll, car le terrain où nous jouions se trouvait juste en face de la mosquée. Imaginez sa gêne de voir sa fille jouer au football avec des garçons », raconte celle qu’on surnomme Eva « Neymar », le numéro 10 des Lionnes, dans une interview accordée à l’APS.
Malgré ces obstacles, Eva s’est imposée comme l’une des figures emblématiques du football féminin sénégalais. En août 2020, après avoir franchi une nouvelle étape de sa vie de femme-footballeuse en se mariant, Ndeye Awa Diakhaté a entamé une autre aventure loin de la pression du terrain, tout en préservant sa carrière. Le 11 juin 2022, elle a touché du doigt ce rêve d’enfant lorsque l’Olympique de Marseille (D2 française) l’a recrutée en même temps que Mama Diop, venant respectivement de Le Puy Foot 43 et du Racing Club de Lens.
Pourtant, tout a failli s’arrêter pour Ndeye Awa. Sa grave blessure aux ligaments croisés lors de la double confrontation amicale entre le Sénégal et l’Afrique du Sud, en juillet 2023, l’a éloignée des terrains pendant près d’un an. Une terrible lésion qui aurait pu briser sa carrière au haut niveau.
Les parcours de Meta Camara, Safiétou Sagna, Hapsatou Diallo et Awa Diakhaté sont autant de témoignages de la lutte pour valoriser le football féminin au Sénégal. Ces joueuses rappellent qu’au-delà de chaque succès se cachent des sacrifices et une passion inébranlable pour le football.
4 décembre 2024 à 19:17, par Esther
Vraiment ce sont des lionnes des braves femmes merci pour votre courage et encouragements pour le foot féminin merci à vous et le meilleur reste à venir
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