Par Rafael Rodriguez, directeur général d’Africa Travel Group, www.africatravel-group.com
Fini les belles journées ensoleillées où les cars remplis de visiteurs stationnaient à tour de rôle devant le village artisanal de Soumbedioune. Finie les magnifiques matinées où les touristes se rangeaient patiemment, attendant leur tour, pour visiter la bouleversante maison des esclaves à Gorée. Fini les plages du Cap Skirring ou de Saly jonchées de parasols, battant le plein en saison touristique. Fini les camions 6x6 débordant d’enthousiastes aventuriers avides de parcourir les sinueuses pistes du Saloum.
Il y a eu un temps où dans chaque village de Casamance on pouvait trouver un campement intégré fonctionnant à plein régime, où d’accueillantes femmes Diola s’attelaient à préparer un « domoda » aux « consonances européennes, pas piquant », où les hommes partaient à la recherche de poulets dans le village afin de satisfaire les vagues des touristes des circuits de Nouvelles Frontières, Jet Tours ou Unijoven. À Simenti, en plein cœur du parc du Niokolo Koba les Lands Rover se croisaient sans cesse, à la recherche des buffles et des antilopes. Les buvettes, restaurants et discothèques de St Louis, Ziguinchor, Mbour, Ndangane ou Cap Skirring regorgeaient de voyageurs, le sourire en bandoulière… Ah qu’il était bon de passer ses vacances au Sénégal !
Et soudain… Le néant, l’obscurité
Où sont passés tous ces touristes ? Où sont passés ces braves paysans bretons ou normands qui chaque année étaient fidèles à l’immense écrin de verdure et à l’accueil chaleureux qu’offrait le Domaine de Nianing, de Keur Saloum ou de l’hôtel du Delta du Niominka. Où sont passés ces hordes des touristes espagnols qui envahissaient les plages de l’île de Carabane de « caramelos » ? Où sont passées ces familles françaises, chaque année plus nombreuses à venir se réchauffer sous le soleil de Saly, aux abords de l’hôtel Savana, Royam ou Bougainvilliers ? Où passent-ils leurs vacances maintenant ces Italiens, Allemands, Belges qui fréquentaient le parc de Djoudj, l’île de Fadiouth, les maisons à impluvium de Enampore, Affiniam ou Baila ? Où sont passés ces pêcheurs au gros aguerris qui sillonnait les eaux du delta du Saloum de Djiffer à Toubacouta, de Ndangane et Sangomar, toujours à la recherche de belles prises ? Où sont passés ces chasseurs infatigables, parcourant sans se lasser les pistes de Tambacounda à Kolda, de Rosso à Matam, de Nioro à Fimela ? Où sont passés tous ces Américains, Portugais ou Suédois qui visitaient avec émotion la grande mosquée de Touba, la cathédrale de Dakar, le marché multicolore de Kaolack, les chutes de Dindefelo, le musée Théodore Monod de Dakar, les villages Bedick et Bassari, les cases à étages de Mlomp, la réserve de Guembeul, de Bandia, les parcs de Barbarie, de la Basse Casamance, la Place Faidherbe à Saint-Louis … et tant d’autres belles curiosités ?
Car tout cela se trouve bien au Sénégal. Trésors négligés, balayés d’un revers de main par une politique touristique à ce point maladroite qu’elle pourrait être aujourd’hui étudiée comme un véritable exemple de « contre politique touristique » ; soit tout ce qu’il faut faire pour réduire à néant une destination touristique.
Comment expliquer la dégringolade totale que subit notre secteur ?
Malgré un contexte politique agité, le Sénégal reste un pays stable, exemple de démocratie et de cohabitation interreligieuse et ethnique. Un pays qui profite de 530 kilomètres de côtes presque vierges. Un des pays les plus ensoleillés du globe. Un pays situé à seulement quatre heures de vol de la plupart des capitales européennes et desservit par la presque totalité des compagnies aériennes les plus importantes au monde. Bref, un pays sûr, ensoleillé, accueillant, aux multiples richesses… Où se situe donc le problème ?
Voici peut être une réponse, ou quelques éléments de réponses sur les raisons qui nous ont conduit à cette situation catastrophique. Je pense d’ailleurs qu’une grande majorité des professionnels de notre secteur, sinon tous, partageront une bonne partie de ces réflexions.
Le Sénégal touristique souffre, avant tout, d’un mal devenu chronique, presque endémique : l’improvisation. Depuis les temps où le ministère du Tourisme était dirigé par Jacques Baudin et puis par Tidjane Sylla, aucune véritable stratégie de développement touristique n’a été soigneusement identifiée, planifiée et appliquée au Sénégal. Le pays a été victime d’un défilé constant de ministres de tutelle. Nous, acteurs du secteur privé, avons assisté, avec étonnement, à cette succession de noms. Chacun avait sa vision, ses idées, ses objectifs, ses conseillers et bien sûr sa personnalité…
Pendant toutes ces années il n’y a jamais eu de véritable stratégie, clairement planifiée et dotée d’un budget concret. Aucune feuille de route et aucun calendrier. Aucune vision, ni politique à moyen ou long terme. Les erreurs se sont multipliées. Nous avons assisté à des salons touristiques à l’étranger où le Sénégal, notre Sénégal, était tristement représenté par un stand de 12 mètres carrés, sans affiches ni brochures, projetant une image qui était à l’opposé des atouts touristiques du pays.
La promotion d’une destination doit se faire de façon réfléchie et rationnelle. Il faut d’abord identifier les marchés potentiels les plus intéressants, de part leur proximité géographique, affinité, soutien politique ou économique, etc. Nombreux sont les paramètres qu’il faut prendre en compte pour bien orienter nos actions commerciales. Il s’agit d’ « attaquer » ces marchés d’une façon structurée, avec un positionnement constant dans le temps, en ne visant pas uniquement les agences de voyages et tours opérateurs, mais aussi les médias et surtout le marché lui-même, le consommateur final. Il faut créer l’envie, il faut faire rêver le voyageur. Le Sénégal a les atouts pour cela. Le manque de promotion de la destination a été sans doute un des problèmes les plus récurrents, mais pas le seul.
Le Sénégal est le pays de la Teranga , certes ! Mais la Teranga n’est pas le patrimoine des Sénégalais. Au Burkina, au Bénin, au Togo, au Gabon ou dans bien d’autres pays pour ne citer que quelques exemples proches, les gens sont aussi gentils et accueillants. Il faudrait demander à nos touristes ce qu’ils pensent de la « Teranga » quand ils arrivent à l’aéroport de Dakar avec ses taximen, vendeurs de cartes téléphoniques, changeurs d’argent, « mendiants » de tout type qui s’attroupent autour d’eux, criant et essayant d’arracher de leur mains leur chariots à bagages. Ces mêmes visiteurs souffrent de situations semblables au village artisanal, sur la Place de l’Indépendance de Dakar, à l’arrivée de la chaloupe de Gorée, ou dans n’importe quelle artère de Gorée, plage de Saly ou au centre de Saint-Louis.
Le touriste doit être considéré comme un invité chez nous, à qui l’on doit le respect. De notre comportement dépendra le souvenir que le visiteur retiendra de son séjour, son éventuel retour au Sénégal, et la réputation que se bâtira la destination à l’extérieur.
La mise en application de la politique de demande de visas pour les ressortissants européens a été aussi un élément important de la crise que nous connaissons. Bien que la mesure relève du principe de souveraineté que je ne conteste pas, il est évident que cette mesure, ainsi que le moment choisi pour son entrée en vigueur avec son démarrage chaotique, son coût pour le visiteur… n’ont pu être qu’un frein au tourisme.
Ajoutons à cette liste, l’insalubrité de beaucoup de zones touristiques, l’érosion côtière et surtout la dramatique gestion environnementale qui en est faite, la surfacturation des taxes aéroportuaires, les coûts d’exploitations exorbitants qui rendent nos établissements touristiques trop chers, le manque de personnel qualifiés malgré la quantité d’écoles publiques et privées existantes… Mais aussi ainsi la menace terroriste, la fébrilité économique de certains de nos principaux marchés émetteurs, la psychose générée par l’épidémie d’Ebola en Afrique de l’ouest…. Accumulation sans précédent. La liste est lourde. La liste est interminable. Les jeunes diraient « c’est la totale ! ».
Aujourd’hui nous souffrons
Nous souffrons comme souffrent tous les acteurs touristiques, à tous les échelons, qui perdent les uns après les autres, leur emploi, leurs moyens de subsistance. Nous souffrons que ce secteur économique à si fort potentiel soit aussi facilement sacrifié. Nous souffrons de voir tous ces endroits magnifiques, dépeuplés et abandonnés. Nous souffrons de voir tous ces investissements partis en fumée, hôtels, campements, restaurants, commerces…
Aujourd’hui à Dakar, à Saint-Louis et surtout sur la Petite Côte, on s’apitoie sur notre sort. Mais n’oublions pas tous les opérateurs qui souffrent eux aussi depuis bien plus longtemps que nous, en Casamance et dans les régions de Kolda, Tambacounda ou Kédougou. Notre profession n’a pas à être fière. Nous, acteurs du secteur privé, n’avons jamais été capables d’être soudés, solidaires, généreux. Nous avons été victimes de notre propre arrogance. Nous n’avons pas su défendre avec intelligence et générosité nos objectifs, nos atouts. Nous n’avons jamais réussi à transmettre aux populations les bienfaits du tourisme avec ses retombées positives. Nous n’avons pas su impliquer les Sénégalais dans la préservation et le respect de ce secteur pourtant porteur. Il ne nous reste plus qu’à regretter ce qui était, sans doute, une mort annoncée…
5 décembre 2019 à 11:02, par Ajax
Ce texte de 2015 est remarquable par la justesse de son analyse. Rien n’y manque.
L’aveuglement constant et l’incompétence des décideurs politiques, la dégradation du comportement des Sénégalais vis à vis des étrangers et leur manque de sens civique rendent tout effort de promotion de la destination inutile. Et ceci pour de très nombreuses années encore.
Ce n’est pas avec un plan de reverdissement de Saly que les touristes vont revenir. C’est encore un sparadrap sur une jambe de bois.
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30 avril 2018 à 17:07, par Isa
Bonjour,
Je suis rentrée ce matin du Sénégal et j’ai été très déçue par le pays. C’est un voyage qui m’a couté cher et j’en garderai un souvenir moyen. J’ai traversé le pays et j’ai trouvé le paysage plat et monotone avec des étendues de plastiques à perte de vue. Des plastiques jamais ramassés qui se sont accumulés sur des années. Le Sénégal a trouvé l’argent pour construire un aéroport flambant neuf mais il n’a pas l’argent ni la volonté pour ramasser les tonnes de plastique qui pourrissent les paysages. j’ai payé cher pour faire des kilomètres de routes dans une immense décharge de plastiques. Pareil l’hôtellerie est cher en comparaison au Maroc et elle laisse à désirer. Dans les hôtels de gamme moyenne il faut se battre pour avoir des draps, ou taie d’oreiller ou même eau chaude pour la douche. Comparativement avec le Maghreb, c’est cher et mal foutu. On n’en a pas pour son argent. Il y a quelques beaux points touristiques qui mériteraient d’être mieux entretenus. Le touriste est accueilli par des hordes de vendeurs à la sauvette ou de rabatteurs qui pourrissent les sorties et font qu’à la fin du séjour je n’avais même plus envie de sortir. Le touriste européen dans ce pays est un pigeon qu’il faut déplumer et il n’y a ps beaucoup d’effort de fait par le pays pour lui donner envie de revenir ou pour lui laisser un bon souvenir.
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11 avril 2018 à 01:19, par Une française
Eh oui, mais que voulez-vous, le touriste est rationnel. Pourquoi s’installer dans un pays où l’on ne peut pas sortir sans être pris d’assaut par des vendeurs à la sauvette, où l’Etat de droit laisse à désirer ? Mes parents avaient investi au Sénégal, ils y avaient une maison. Depuis leur décès, c’est l’enfer. Au bout d’un an et demi, la succession n’est pas réglée et le notaire local a refusé de transcrire les actes de notoriété établis par le notaire français. Résultat : je suis spoliée au profit d’un autre membre de ma famille. Et vous voudriez qu’on revienne ????
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5 septembre 2016 à 11:30, par bouba camara
Suis vraiment désolé pour le tourisme dans mon pays.
Que personne ne se décourage, chacun n’à qu’a lutter de son coté bientôt on va trouver une solution.
25 novembre 2017 à 15:38, par franck
bonjour
je me suis installé en Gambie depuis 7 ans car l accueil y est beaucoup plus agreable.
et récemment j arrete d y aller en voiture car Rosso est un vrai coupe gorge. en octobre 2016 j ai attendu 8 heures avant de sortir du poste frontiere. pour autant on etait juste 2 toubabs en attente. j ai du verser 500 euros de bakshish pour avoir l autorisation de traverser le pays en 24 heures jusqu a amdalai (poste frontiere gambien).
triste pour le senegal mais resultats previsible.
s ajoute un visa pour traverser la Mauritanie qui est passé de 35 euros à 120 euros.maintenant je fais barcelone banjul en 6 h ca me coute en moyenne 400 euros (aller retour) sans stress
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23 janvier 2016 à 09:11, par laugenie
Tout est vrai,tout va mal au Sénégal.Tout se dégrade.La saleté,l’arrogance des Sénégalais.La présence de plus en plus nombreuse des Talibés.L’augmentation du port du foulard chez les femmes,la religion qui devient de plus en plus pesante.J’ai une maison au Sénégal,mais je vais quitter ce Pays,qui devient de moins en moins attractif.
24 janvier 2016 à 14:50, par Jean Paul
De moins en moins attractif.... C’est la terre entière qui est de moins en moins attractive Monsieur, vous cherchez un parc d’attraction certainement, vous payez à l’entrée et vous vous amusez et passez du bon temps ... Le Sénégal est comme le reste du monde, la mondialisation, la consommation, la précarité matériel etc est passé par là. Alors bien sur les mentalités changent... Comme partout Mais on est quand même bien ici Monsieur.
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25 novembre 2015 à 00:39, par iolanda
Le Senegal à beaucoup de bonnes choses à nous offrir mais cette politique touristique tue le secteur du tourisme. Vendez nous bien l’image du Senegal ce qu’il y’a, culture sites et surtout la vérité... Le tourisme solidaire m’a fait connaître le vrai visage du Senegal et je suis tombée amoureuse de la belle Casamance. Le ministre du tourisme demande les gens qui bougent dans ce secteur comment faire renaître le tourisme ?
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23 novembre 2015 à 08:00, par coco
malgré tout j’irai dans le beau pays du Senegal en janvier
23 novembre 2015 à 13:06, par christiane
Oui, moi aussi en janvier... et j’y aménerai 7 de mes amis...
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22 novembre 2015 à 23:14, par chris
Suis allé des tas de fois dans votre pays oú mes parents ont vécu ... Ai vu le Sénégal se modernisait les toutes s’amélioraient, les infrastructures de la vie de tous les jours aussi .... Mais à vouloir copier on se noit ... De plus les mendiants et les « crampons » à l’aéroport sont tres ét trop collants ... Mal élevés et arrogants sous prétexte que vous êtes blancs ...mes parents ont fait construire une petite maison du côté de Saly, peu de temps après leur installation une nuit ils ont été cambriolés, ma mère a retrouvé un coussin de la salle à manger pas très loin d’elle lui faisant dire que si elle bougeait il l’étoufferait avec .... Les « Rançonneurs » administratifs ou pour avoir un papier il faut arroser à tous les étages ..... Les courriers mis dans les Boite aux lettres qui n’arrivent jamais à destination .... La saleté au bord des routes... A Saly la barrière de corail qu’on a défonce et qui fait que les courants marins sont devenus plus forts et qui ont donc détruits les plages de Saly réduites à moins d’un mètre de sable avec la pose d’énormes blocs de bétons pour éviter la disparition de la plage .....
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22 octobre 2015 à 12:45, par Mlle Soaz
Je suis peut être de la jeune génération mais ça fait bien longtemps que j’ai compris qu’on ne peut attendre notre salut de l’état. Nous somme comme des poulets de batterie destinés à alimenter un système qui nous dépasse. Quand on a compris ça on peut réfléchir posément aux autres solutions qui d’offrent à nous. Il faut garder la foi dans le pays, dans le peuple et dans nos capacités à chaqun d’entre nous de faire quelques chose de bien et laisser nos élytres blablater. Et si on ne veut pas cautionner ce système capitaliste dévorant on ne peut pas toujours tout ramener au prix des choses. Il y a certaines expériences qui n’ont pas de prix et c’est aux acteurs du tourisme de les mettre en valeur. Ma contribution est modeste dans le secteur mais j’espère qu’elle pourra aider d’autre pro du tourisme à mieux gérer cette crise que le pays traverse. Je vous invite à visiter le site www.delta-sine-saloum qui replace la communauté et l’expérience au cœur de la communication. On ne vient pas au Sénégal, en france parce’ que c’est bon prix. On vient parce qu’il y a des valeurs fortes que l’on veut partager, parce qu’il y a des paysages magnifiques par lesquels on veut être ébloui, parce qu’il y a des gens différents que l’on veut rencontrer. Pas parce ce que c’est pas cher.
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11 juin 2015 à 19:36, par ketels
pourquoi se rendre a saly pour se faire attaque a 21h deux fois en une annee par des voleurs et se retrouver a l hopital avec des grosses factures c est fini le temps ou tout le monde est gentil au senegal en plus il ne faut pas compter sur la police pour trouver les responsables vu qu ils recidive et cela toujours pres du safari idem si ont va se plaidre a la mairie ce n est pas leur probleme en fait le touriste ne sert qu a depenser du fric apres cela il ne faut pas se plaidre d un manque de touriste
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