« M’en aller » et revenir : Samantha Grébongo, ingénieure et chanteuse

A l’occasion de la journée internationale des migrants, nous vous offrons la musique et les mots de Samantha Grébongo alias Samantha Siiera. Auteur/compositeur et entrepreneure social, elle vit en France où elle travaille comment ingénieure au sein d’une multinationale. Elle a composé une chanson qui nous interpelle : l’exil et la souffrance que peut provoquer le fait de vivre dans un pays étranger...

Publié le 18 décembre 2017   1 commentaire

Entretien vérité avec une jeune fille qui a tout pour elle : cœur, talent, idéalisme, intelligence et pertinence. Et qui de plus, sort un single abouti et interpellant.

Pouvez-vous vous présenter ?

Je me nomme Samantha Grébongo, plus connue sous le nom de scène de Samantha Siieraa. J’ai 26 ans et je vis en France.

Depuis combien d’années vivez-vous en France ? Et qu’y exercez-vous comme travail ?

Cela fera 7 ans cette année que je vis en France où j’exerce le métier d’Ingénieur en Recherche et Développement dans une multinationale de la place. Pour résumer, je suis développeur FrontEnd et je développe essentiellement des applications mobiles (Android) ainsi que des portails Web. J’exerce dans un domaine en pleine expansion, à savoir celui des objets connectés (IoT).

« J’ai toujours aimé retranscrire mes émotions par écrit - le plus souvent les plus tristes - d’où la petite mélancolie dans mes chansons »

Qu’est ce qui vous a poussée à faire de la musique ?

Je n’ai pas choisi de faire de la musique, la musique m’a choisie. Je suis née d’une mère choriste - ayant elle-même commencé la chorale depuis son enfance chez les sœurs catholiques - et d’un père amoureux de musique en général, guitariste et danseur à ses heures perdues. A la maison, tout le monde chantait et chante encore aujourd’hui : ma mère est dans une grande chorale au Sénégal (Afrikiyo), ma grande-sœur évolue dans un groupe de rock avec quelques collègues de son travail ici en France, mon père est et restera le roi du karaoké de la famille, et enfin moi qui ai d’abord commencé par des covers avant de me lancer en solo il y a 3 ans après avoir fait le tour des chorales.

J’ai toujours aimé retranscrire mes émotions par écrit - le plus souvent les plus tristes - d’où la petite mélancolie dans mes chansons. Cela me faisait énormément de bien d’extérioriser de cette manière, et après m’être relue, je brulais tout ça et me sentais comme libérée. Ma mère m’a encouragée à en faire des chansons plutôt que de « perdre » mes écrits et c’est comme ça que ça a commencé.

« Sport addict »

Vous vous définissez comme une « sport addict » quels genres de sports pratiquez-vous et comment cet amour du sport se manifeste t-il dans votre quotidien ?

J’adoooreee le sport, c’est vrai. Tous les sports m’attirent pratiquement, et ma mère m’a souvent charriée en me disant « que ma vie entière ne me suffirait pas pour faire tous les sports que j’ai envie de faire.. ». Etant un enfant « pile électrique », mes parents m’ont très tôt mis au sport pour canaliser toute mon énergie et m’épuiser un peu pour que je ne les fatigue pas une fois à la maison. J’en ai fait de toute sorte.

J’ai tout d’abord commencé à l’âge de 8 ans par la gymnastique artistique et rythmique à l’INSEPS de Dakar, niveau national. C’est l’un des sports que j’ai le plus longtemps pratiqué (plus de 10ans) après, la danse.

Ensuite, mes parents nous ont mis à la natation ma sœur et moi car ils trouvaient important le fait de savoir nager. C’est ainsi que nous avons fait 3 ans au Cercle des Nageurs de Dakar (CND), niveau national également. Mon père a toujours été un très grand sportif également et avait une équipe de basket qu’il gérait, j’ai donc naturellement fait un peu de basket. Une fois au collège, j’ai jeté mon dévolu sur le handball que j’ai également pratiqué pendant une dizaine d’années.

J’ai fait également beaucoup d’autres sports mais de façon plus ponctuelles tels que : football, tennis, roller en club, flyboard, wakeboard, ski nautique, parapente etc. A ce jour, je continue de faire de la danse (dancehall, afrohouse, kizomba) et je vais beaucoup en salle. Je ne peux pas rester de trop longues périodes sans activité physique.

Association Jiggen Tech-Sénégal

« J’ai moi-même longtemps rêvé de partir, je ne pensais qu’à ça. Cela en était même une obsession »

Revenons à la musique. De quoi parle votre troisième single ? Et pourquoi ?

Mon dernier single intitulé « M’en aller » est le fruit d’une collaboration avec un ami artiste instrumentiste : Boni Bless. Cette chanson s’adresse dans sa globalité à toutes les personnes qui vivent à l’étranger, qui sont loin de leurs familles et de toutes leurs réelles attaches ; à toutes ces personnes qui ressentent le manque de leur pays.

M’en aller

Nous voulions également à travers ce titre pointer du doigt certaines réalités sur l’émigration. En effet, vous n’êtes pas sans savoir que le rêve de beaucoup d’Africains est de quitter notre très chère terre mère, migrer vers l’Europe ou l’Amérique à la quête d’un avenir meilleur. Ainsi, certains n’hésitent pas à partir de façon irrégulière, au prix de leurs vies : pirogues, échanges de passeport etc ; pour ensuite venir se retrouver à l’étranger dans des situations encore bien plus pires que celles qu’ils laissent derrière eux. Nous pouvons parler des sans-papiers qui se contentent de petits boulots au black, sont toujours en alerte par peur d’être contrôlés ; ou encore de ceux qui dorment « sous les ponts » dans des conditions climatiques extrêmes etc.

Malgré toutes ces difficultés rencontrées, beaucoup ne peuvent/veulent pas rentrer car ils ne veulent pas décevoir leurs familles qui comptent sur le peu qu’ils arrivent à envoyer malgré tout, ou tout simplement ne veulent pas rentrer avec un tel « échec ».

Est-ce un titre autobiographique ?

D’une certaine façon, oui. Mais je n’ai jamais eu de problème de papiers rassurez-vous. J’ai moi-même longtemps rêvé de partir, je ne pensais qu’à ça. Cela en était même une obsession. Je me souviens avoir pleuré quand ma mère m’a annoncé après mon BAC que je devrais encore rester 2 années supplémentaires avec elle avant de voyager car elle ne me trouvait pas encore prête/mature pour être « lâchée dans la nature » comme ça. Ma sœur étant, elle, partie directement après le BAC, j’ai trouvé ça injuste. 2 ans plus tard, j’étais toujours aussi décidée à partir et ce, malgré plusieurs raisons personnelles qui auraient pu/dû me retenir. Je suis donc partie pour terminer mes études.

La vie ici en Europe n’est pas aussi rose que ce que beaucoup de nos frères en Afrique pensent. La France m’a certes beaucoup apporté, mais avec beaucoup de recul aujourd’hui et vu tout ce que j’ai perdu, le manque de mon pays que je ressens en permanence, je me suis souvent posée la question de savoir si le jeu en valait vraiment la chandelle…

Quels sont les aspects du Sénégal qui vous manquent le plus ?

On aura beau critiquer le Sénégal - et moi la première - mais on ne se sent jamais mieux ailleurs que chez soi. Enormément de choses me manquent au Sénégal. Ma famille, mes amis pour commencer. Ensuite, le fait de vivre en communauté, la fameuse téranga sénégalaise, les bons plats, le soleil, la vie après le travail (au Sénégal, du lundi au lundi tu peux sortir et faire plein de choses) etc.

Samantha aka Samy et le social

Vous œuvrez également dans le social. Pouvez-vous nous détailler vos actions en ce sens ?

En effet, je suis bénévole d’une association basée au Sénégal du nom de Jiggen Tech (ex Jjiguène Tech Hub). « Jiggen » signifie « femme » en Wolof et tout comme son nom l’indique, notre principal objectif est de promouvoir l’insertion des femmes dans les domaines de la technologie, de l’information et de la communication.
Partant d’un constat général : ces domaines sont jusqu’à ce jour essentiellement constitués d’hommes. Grâce à la diversité des profils de nos bénévoles, nous cherchons dans un premier temps à apporter une certaine visibilité à nos jeunes sœurs sur les métiers technologiques qu’elles pourraient exercer - visibilité que très peu d’entre elles ont, tout comme la majorité d’entre nous à leur âge - et ainsi les inspirer.

D’autre part, nous donnons beaucoup de formations à des femmes de toute tranche d’âge partant de la prise en main d’un ordinateur pour celles qui sont moins familiarisées avec le monde digital, en passant par le Wordpress, HTML/CSS pour celles qui sont intéressées par le développement logiciel, jusqu’au e-marketing, Excel etc pour les femmes entrepreneures. Nous accompagnons les femmes dans leurs projets d’entreprise, de l’idée jusqu’à la conception ; et nous organisons également beaucoup d’événements du style Coding Camp.

Enfin, que peut-on vous souhaiter ?

Musicalement parlant, mieux faire connaitre ma musique, faire des scènes, collaborer avec certains artistes sénégalais, lancer le projet de mon 1er album... D’autre part, pourquoi pas de rentrer un de ces jours auprès des miens.

Contact :

Facebook : https://www.facebook.com/Samanthadele
Single : https://www.youtube.com/watch?v=2LfFM7DPrUk
Page Jiggen Tech : https://www.facebook.com/jthsenegal/
Site Jiggen Tech : http://www.jthsenegal.com/wp-signup.php?new=jthsenegal.com

Irène Idrisse

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