Loi anti-tabac : le dilemme des hôteliers et restaurateurs

Alors que les acteurs de la lutte anti-tabac jubilent, les hôteliers eux appréhendent. La loi interdisant l’usage de tabac dans les lieux public, voté en juin 2016, devrait prendre effet dès le mois de janvier 2017.

Publié le 10 janvier 2017   1 commentaire

Dans son article 18, la loi anti-tabac interdit de fumer dans les lieux publics comme les hôtels, les auberges, les aéroports, les stades, les écoles, les hôpitaux, les lieux de travail, les villes religieuses... Et dans son article 19, il est dit qu’il faut aménager des fumoirs dotés d’extincteurs dans ces lieux . En cas de manquement, les peines peuvent aller d’une amende de 200 000 à 500 000 FCFA.

Pour le Syndicat patronal de l’industrie hôtelière du Sénégal (SPIHS), cette loi est un goulot d’étranglement et une menace pour la pérennité de leur instrument de travail. Dans un milieu où la majorité des clients fument, ce sera un manque à gagner lorsque la loi sera effective.

Pour Moustapha Kane, secrétaire permanent du SPIHS, les responsables des hôtels ne sont pas contre cette loi. « Mais, il est important d’abord de trouver un consensus sur un certain nombre d’éléments, vu l’investissement qui se fait dans les hôtels où la majorité des clients sont des fumeurs », indique-il en regrettant que la loi n’ait pas été discutée avec les acteurs hôteliers. Conscients que la cigarette est un fléau, les responsables d’établissements publics souhaitent que l’État en appliquant cette loi, protège aussi les intérêts de leurs entreprises.

Certains établissements s’alignent

Bien avant que la loi ne soit votée, certains établissements avaient déjà opté pour la séparation entre fumeurs et non fumeurs. C’est le cas par exemple au restaurant Yuma, situé au Point E à Dakar. Dans cet établissement select, pas question d’allumer sa cigarette dans la grande salle. Le gérant explique « Nous avons une clientèle assez select que nous voulons mettre dans les meilleures conditions. Pour nous, il est important d’éviter que les non fumeurs soient un tant soient peu gênés par l’odeur de la cigarette. Donc dès l’ouverture de notre établissement en avril 2016, nous avons aménagé un fumoir pour ceux qui veulent en griller une. » Une option qui semble ne pas déranger les clients accros à la cigarette.

Le Bazoff est un établissement composé d’un pub et d’un restaurant. Ici la salle qui accueille chaque soir les clients après le travail est toujours pleine à craquer. Entre verres de vin, whisky et assiettes d’olives, l’ambiance est bonne enfant jusque tard dans la nuit, mais il n’est pas question d’allumer sa cigarette dans l’espace fermé. Un espace pour les fumeurs a été prévu à l’entrée de l’établissement. Un arrangement qui ne semble pas gêner les clients qui ne rechignent pas à sortir prendre un peu d’air tout en tirant sur une cigarette.

On trouve donc à Dakar des établissements qui proposent des espaces fumeurs et non fumeurs. Très souvent, c’est une salle fermée où il est interdit de fumer, et une terrasse ouverte où les fumeurs peuvent s’en griller une. Mais la loi stipule bien que ce sont les fumeurs qui doivent être dans un endroit fermé pour ne pas que la fumée de la cigarette ne gêne les autres.

Le dilemme des hôtels pour appliquer la loi

Décret n° 2016-1008 du 26 juillet 2016 portant application de la loi n° 2014-12 du 28 mars 2014 relative à la fabrication, au conditionnement, à l’étiquetage, à la vente et à l’usage du tabac

Le cas des complexes hôteliers est un peu plus délicat. Moustapha Kane est convaincu que si cette loi est appliquée dans toute sa rigueur, elle provoquerait la perte de 30 % des emplois générés dans les bars et casinos qui risquent tout simplement de fermer, faute de fumoirs. Il a aussi révélé que le Sénégal, qui compte plus de 850 hôtels et auberges, la fera difficilement appliquer. Dans les halls des hôtels et dans les chambres, rien n’est vraiment prévu pour séparer fumeurs et non fumeurs. N’ayant pas vu venir le coup, de nombreux hôteliers n’ont pas prévu de prévoir cette séparation lors de la construction de leurs établissements.

Aujourd’hui, l’aménagement de fumoirs serait un gros investissement qui demande du temps et des moyens. C’est pourquoi le SPIHS souhaite que l’application de la loi anti-tabac soit retardée le temps de leur permettre de prendre leurs dispositions.

Le constat sur le terrain reste cependant le même. On ne sent pas les effets de cette loi, car les habitudes n’ont pas changé dans la majorité de ces lieux publics. Très peu de restaurants et d’hôtels ont mis en place des fumoirs. Ceux qui ont aménagé des espaces fumeurs ne les ont pas dotés d’extincteurs, quand ce n’est pas tout simplement un endroit à ciel ouvert.

Eva Rassoul

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Lire 1 commentaire

  • 0ad848fa50f2ceedd0073ac78f616b75

    Notre Auberge Keur Diame est depuis déjà Aout 2014 un endroit non fumeur. Les fumeurs peuvent fumé dans le jardin bien amenager ou sur la terrasse.
    A présent nous avons jamais eu des problèmes avec nos clients.
    Merci pour cet article et bon WE !
    Ruth Isenschmid, Auberge Keur Diame

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