A Dakar, qui est une presqu’île et une des plus belles capitales au monde, les nuits sont bien chaudes, vivantes et très ambiancées. Pourtant, force est de reconnaître que l’ennui et la monotonie deviennent les maîtres mots de nos journées. Les plages, Dakar, la Californie de l’Afrique, en a des plus belles. Seulement, impossible d’y mettre pied ou d’en profiter à leur juste valeur. Elles n’existent pour ainsi dire presque plus. Ce qui nous amène depuis quelques temps à une grande interrogation qui devient de plus en plus récurrente : Où sont passées nos plages ?

La privatisation….
Etymologiquement, ce mot vient du latin « privare » qui veut dire ôter de l’espace collectif. Et, c’est ce qui se passe dans un premier temps avec nos plages. Elles sont toutes devenues, en tout cas pour la plupart, les propriétés d’hôtels de luxe qui ne sont évidemment pas accessibles à la majorité. Celui à qui profite le plus ce phénomène est bien sûr l’Etat qui se voit ainsi apporter des recettes supplémentaires au détriment du bien-être de la population. Toutefois, dans ce cas précis, la privatisation a ceci de bien que les plages sont nettoyées et sont propres. Mais, ne vous trompez point, le fond vous ferait oublier sa beauté extérieure…

L’insalubrité…et la pollution…
Voici la définition que donnera La Convention sur le Droit de la mer sur la pollution : « l’introduction par l’homme, directement ou indirectement, de substances ou d’énergies dans le milieu marin incluant les estuaires. Lorsqu’elle a ou peut avoir des effets nuisibles tels que dommages aux ressources biologiques, à la faune et la flore marines, y compris la pêche et les autres utilisations légitimes de la mer, altération de la qualité de l’eau de mer du point de vue de son utilisation et dégradation des valeurs d’agrément ». Nous reviendrons sur cette définition amplement. Pour l’heure, il est possible de noter plusieurs niveaux dans la pollution en mer qui se caractérise suivant le type de polluant majeur (pollution par la matière organique, les pesticides, pollution microbienne, chimique par les métaux lourds, pollution thermique), la nature du milieu récepteur, la source de pollution et les subdivisions du milieu marin concerné.
Le problème de l’insalubrité des plages de Dakar et de la pollution de ses eaux prend de plus en plus d’ampleur. Pourtant, la mer est le berceau de la vie et joue un rôle très significatif dans l’équilibre de l’écosystème. Malheureusement, ‘’l’homme la considère comme une grande machine à laver’’ pour reprendre les dires d’Alexandre Alcantara, président de la fédération sénégalaise de surf. Machine à laver puisque l’homme se donne bonne conscience après avoir jeté les déchets et étant donné que ces derniers ne restent pas à la surface de l’eau, ils n’agressent pas ainsi ses yeux. Sans façon, le pollueur c’est vous et c’est nous.
Pourquoi polluons-nous ? Avant de nous en référer à l’Etat qui a bien sûr une part belle, c’est par nous que doit commencer cette lutte. C’est aussi une question d’éducation, il sera vital de faire comprendre aux communs des mortels que les déchets qu’ils jettent dans la mer constituent pour eux-mêmes un danger et un risque de maladie. Nos mers ne sont pas des ressources inépuisables. En parlant de déchets, faisons-y un zoom. Vous devez savoir qu’ils sont aux nombres de deux. Les déchets liquides que sont les eaux usées, les eaux de pluie et bien d’autres et les déchets solides que sont les filets des pêcheurs, les plastiques, les verres, les matériaux. Rien qu’en prenant le plastique, sa durée de vie est comprise entre 100 et 1000 ans. Ce qui revient à dire que vous jetez un sac plastique, vos arrière arrière petits-enfants le trouveront là. Vu sous cet angle, nous prenons conscience quand même de l’ampleur du geste quotidien que nous faisons qui est bien sûr de jeter n’importe quoi, n’importe où.
Avec ces déchets qui sont jetés dans la mer, voilà un peu ce qui se passe après d’un point de vue environnement. Étant donné que ces déchets sont mal jetés, la mer les rejette à son tour, ce qui fait l’insalubrité des plages. Et une plage qui est sale, ne donne l’envie de s’y baigner à personne, cela va sans dire. En ce qui concerne la pollution, les acteurs sont multiples. Nous citerons entre autres les industries, le port autonome de Dakar, les égouts qui font des rejets directs en mer sans aucun traitement. Les espèces marines sont très menacées et elles peuvent être considérablement vulnérables selon qu’elles sont confinées au plan hydrodynamique qui est un modèle particulier de circulation des eaux ou sur le plan géographique avec des baies fermées ou semi-fermées. Ce qui engendre une concentration des substances polluantes qui réduit les échanges entre l’atmosphère et l’océan.
En bref, une mer polluée ne respire plus ! Or, la mer a besoin de cet oxygène pour un foisonnement de la vie dans les milieux aquatiques. Prenons le cas du Port Autonome de Dakar qui est pour ainsi dire, un polluant non négligeable. Et pour cause, la perturbation de l’équilibre des écosystèmes littoraux est souvent liée aux activités qui y sont développées. Nous pouvons faire référence aux hydrocarbures largués avec les eaux de vidange de divers bateaux, l’antifouling (peinture antisalissure pour les coques des bateaux). Les ressources naturelles se voient fragilisées face à cette nouvelle menace que constituent les rejets chimiques issus des activités industrielles. En clair, on ne peut pas faire fi du problème de gestion du littoral sénégalais.
En ce qui concerne les eaux usées et de pluie, leurs rejets se font par le canal IV sur la baie de Hann et par les canaux de Gueule Tapée et Fann. La plage de Yoff montre une image de désolation. Les égouts font un rejet visuel en toute impunité dans cette mer. Les plages de la corniche est, ouest et celle de Soumbédioune subissent le même traitement avec le canal de la Médina. Comme plage polluée, nous pouvons citer entre autres la Baie de Hann, les plages de Dakar centre au niveau du Terrou Bi, devant l’université, la plage de N’gor, des Almadies, la Baie des Carpes et Monaco plage. Pour la Baie de Hann, la pollution y a été tellement forte que de nombreuses associations se sont créées pour sauver cette baie. Les conséquences de cette insalubrité sont énormes et s’étendent sur plusieurs domaines.

Sur le tourisme…
Même si les touristes sont séduits par l’hospitalité légendaire du Sunugal, les odeurs pestilentielles ne rendent pas hommage à cette belle capitale et ils ne s’en plaignent pas moins de l’insalubrité. Notons que le tourisme est la première entrée de recettes pour l’économie sénégalaise après la pêche avec plus de 200 milliards de FCFA et plus de 7000 emplois directs. Le tourisme prend ainsi un sacré coup avec la dégradation de l’environnement car les plages sont les lieux de prédilection. Aussi, ce problème de pollution des plages de Dakar a une incidence grave avec des visiteurs qui n’ont pas à cœur de revenir dans une ville qu’ils jugent sale et de fréquenter des plages qui ressemblent beaucoup plus à des poubelles. Ceci a une retombée directe sur l’emploi avec un risque d’augmentation du taux de chômage et sur l’économie. Mais, dans ce secteur, ce ne sera pas la seule retombée négative.

Sur l’économie…
Dans ce secteur, c’est surtout la pêche qui est menacée. Elle constitue une activité importante pour l’économie sénégalaise. Elle est caractérisée par des prises sur plusieurs espèces le long du littoral. Les produits pêchés permettent d’approvisionner les marchés intérieurs en produits halieutiques. De plus, elle participe de manière significative à la réduction du déficit de la balance des paiements et du chômage au Sénégal. Seulement, avec la pollution, cette activité risque de subir d’énormes problèmes qui rejailliront forcément sur l’économie totale du pays. En plus, les pêcheurs ne pourront plus vivre de leurs activités, les poissons meurent ou deviennent toxiques à leur tour. Il devient vital alors de trouver une solution toute faite pour éradiquer ce phénomène qui prend des allures de fléau.
Sur la santé…
La baignade dans les mers de Dakar expose parfois à des risques de maladie. Les recherches effectuées ont donné lieu à des tableaux d’analyses bactériologiques. Cette contamination est composée de bactéries ou germes contenus dans les excréments, les eaux usées non traitées ou transmis par les rejets d’assainissement incomplet. Une fois que l’être humain est contaminé, ces bactéries vivent dans sa flore intestinale. Elles sont à l’origine de plusieurs infections : peau, ORL, appareil digestif, touchant davantage les personnes âgées et les enfants. La salmonelle qui est une antibio résistante est une infection qu’on peut aussi avoir. Ensuite, de grosses gastrites qui peuvent être fatales pour les enfants de moins de 12 ans. La pollution chimique présente un grave danger pour la vie, elle peut causer des transformations génétiques, des maladies graves comme le cancer et la transformation radicale de l’écosystème. Les riverains sont plus exposés avec des risques d’infection pulmonaires, de rhinite et de toutes les maladies cutanées.
Que faire ?
L’assainissement devient alors la seule solution adéquate. Le besoin des stations d’épuration devient urgent. Avant de jeter les eaux usées et pluviales en mer ainsi que les déchets, pré-traitons les d’abord. Selon Monsieur Ousmane Camara, directeur d’exploitation de l’Onas (l’Office national d’assainissement du Sénégal), les eaux usées sont traitées à hauteur de 94%. Notons que l’Onas s’occupe de l’assainissement liquide et le traitement qu’il effectue se passe de deux manières. Dans la banlieue, il y a la grande station d’épuration de Cambérène avec un système à bout activé. Ce sont des stations dans lesquelles se fait un pré-traitement, cela veut dire qu’on sépare les eaux des matières solides. Par la suite, il y a une décantation qui permet de retenir le sable et les boues, les matières qui sont dissoutes et les matières en suspension sont par la suite dégradées par les bactéries. Au niveau de Rufisque et de l’intérieur du pays, il y a des stations de lagunage. Le pouvoir auto épurateur du milieu naturel est utilisé, ce sont donc des bassins avec des phénomènes de photosynthèse et c’est tout naturellement que le traitement est fait avant de rejeter les eaux dans le milieu naturel.
Seule fausse note, toutes les plages ne bénéficient pas de ce pré-traitement. Jean Goepp, coordinateur de l’association Océanium, confie que ce sont seulement 5% des eaux du Sénégal qui sont traitées, même si elles le sont à hauteur de 94%.
Mais pour le moment, ce sont les habitués de la mer qui sont lésés. A savoir les surfeurs. François Kirié, directeur technique de la Fédération sénégalaise de surf est très remonté quant à lui. Les surfeurs subissent directement les conséquences de cette insalubrité, problèmes d’infection, malaises selon Laurice, surfeur. Toutefois, François, très engagé, donne sa contribution, en organisant chaque année le festival Beach Attitud pour la protection de l’environnement. Cette année a eu lieu la 4e édition avec pour slogan La pollution, Non merci tout simple avec un petit pictogramme où il y a un homme qui jette ses papiers dans une poubelle. Ce qui parait logique dans toutes les nations au monde mais à priori au Sénégal on dirait que les gens se font une fierté de jeter les papiers à coté des poubelles.
Un autre slogan « Respecte ta mer » qui a deux sens, respecte ta mère qui t’a mis au monde et l’océan, la mer, comparable à la mère, qu’il faut respecter. Cette contribution très importante, est celle de l’Océanium qui est une association de protection de l’environnement. Cette année, comme celles passées, elle a organisé une semaine pour le nettoyage des fonds marins, des opérations de Set-Setal , et a informé le public par rapport aux dangers de la pollution.
Les artistes posent leur pierre à l’édifice. C’est le cas de Amewa, artiste musicien, plasticien et documentariste. Pour lui, l’éducation de la population par rapport à ce phénomène est très importante. Aussi, avec d’autres artistes, ils se sont organisés en association, « Art sans Frontière », sur un projet qui débutera en septembre prochain et qui portera sur des concerts sur le problème de l’environnement. L’artiste sensibilise aussi à travers ses nombreux documentaires et son album « Marée Noire », 60% consacré à la protection de l’environnement et avec ses expositions qui auront lieu courant novembre et janvier en France et en Angleterre.
La mer transmet la pollution d’un pays à un autre. La mer peut aussi transmettre la pollution d’un poisson à un autre et du poisson à l’homme. Ceci devient un cercle vicieux. Et le rôle de l’Etat ? Il se doit de s’inquiéter du bien-être de la population, de cette population qui n’arrive plus à jouir pleinement de ses ressources naturelles. Il se doit de donner des moyens pour une bonne gestion de notre littoral. Créer plus de stations d’épuration pour traiter la majorité des eaux usées. La population devra y mettre du sien et comprendre qu’une vie saine passe par les gestes quotidiens. L’idéal ? Une plage qui soit vraiment un endroit ludique, un lieu de rencontre entre jeunes gens et adultes pour profiter un tant soit peu des petits plaisirs de la vie et se donner de l’espoir pour des lendemains meilleurs. Bonnes Vacances à tous !
Enquête réalisée par Jorhinda SOSSA
Sources
Interviews de Alex Alcantara, François Kirié et Laurice (Fédération de surf)
Ousmane Camara (Onas)
Jean Goepp (Océanium)
Amewa (Artiste)
Autres sources : Internet, Mémoire de Cheikhou Omar Ndiaye
9 mai 2017 à 17:46, par GUY Alain
bonjour
j apporte mon approbation a cette enquête , on ne peu rester insensible dans ce domaine si crucial
A Guy
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