Le village de Diatock encore appelé « Agalabor », situé dans le Blouf, département de Bignona va sacrifier à la tradition du Bukut cette année. Les rencontres préliminaires ont déjà commencé depuis plusieurs mois et la ferveur et l’enthousiasme sont les maîtres mots de ces moments. Aussi bien au village que dans les principales villes du Sénégal, où l’on retrouve de fortes concentrations de ses ressortissants, notamment à Bignona, Ziguinchor et Dakar, le décor est déjà bien campé.
Le charme des costumes, des accessoires et des coiffures
L’un des signes distinctifs d’un village qui prépare son Bukut est sans doute l’accoutrement. Les habitants du village prennent congé de leurs tenues vestimentaires « modernes » pour s’habiller comme le veut la tradition. Le pagne noué autour du bassin et à l’entrejambe d’une façon apparentée au « ngemb » des lutteurs, des fibres tressées et enrôlées dessus en forme de jupe, des bandes de pagnes tissés et des perles en bandoulière ; bref, c’est tout cet arsenal de costumes et d’accessoires qui fait l’identité du vrai futur initié « ambac » (lire ambatch).
Il est également tenu d’avoir une coiffure spéciale qui consiste à se faire raser la nuque. Les initiés veillent avec rigueur à ce que l’accoutrement, mais aussi les pas de danse, soient exécutés dans les règles de l’art sous peine de correction, tout en mettant eux aussi des tenues assez spécifiques, chacun selon leurs goûts.

Les femmes n’ont pas le droit de porter un pantalon ou une jupe encore moins de se coiffer avec des mèches ou de porter une perruque. Elles sont en pagne, t-shirt ou haut, et parées de jolies perles en bandoulières, en bracelets et sur la tête.
L’importance de la danse
Hommes, femmes, jeunes garçons et filles se retrouvent les week-end et à d’autres occasions lors de séances de danse appelées « Emumbi », animées avec deux principaux instruments : le fugar (tambour) et le egorongorong (bombolong). Les futurs initiés « ku mbacak », au cœur de ces rendez-vous, avec un petit instrument sonore appelé « étalang » à la main droite, un bâton ou une queue de vache à la main gauche, sacrifient à cette épreuve avec des chansons galvanisantes et des danses traditionnelles à la fois artistiques et physiques, instructives et spirituelles.
« Sur le plan physique, la danse contribue au développement de l’endurance, de la résistance, de la force, de la vitesse, de l’équilibre et de la coordination à partir de la mise en jeu de tout le corps. » écrivait Mamadou Lamine Goudiaby dans son mémoire Typologie des danses traditionnelles à Diatock.
La grande fête, les expressions de bravoure et le rôle de veille des aînés
Le Bukut est aussi une grande fête qui mobilise beaucoup de moyens. On constate la construction de nouvelles maisons et d’abris provisoires pour loger les membres de la famille qui reviennent au bercail et aussi les étrangers. Des bœufs sont immolés et de copieux repas sont préparés pour les nombreux hôtes
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C’est aussi l’occasion de voir les aînés s’adonner à diverses formes d’expressions de bravoures, de détonations impressionnantes des canons à poudre…
Le summum de l’ambiance est attendu lors des dernières semaines avant la retraite des futurs initiés. La fête battra son plein par des séances de danses, alternées par plusieurs rites préliminaires, dont celui du « rasage » qui a lieu dans la famille maternelle de chaque futur initié. Arrivera ensuite le moment où le Diola, même s’il est hospitalier et généreux, souhaitera avoir son moment d’intimité, pour ne pas dire son heure de gloire. Les étrangers (non initiés) et les femmes seront sommés de s’arrêter à hauteur de ce qu’on peut considérer comme « une ligne rouge ». Appareils photos et caméra seront interdits, car l’heure d’entrer dans le bois sacré aura sonné. Là où tous n’y entrent pas, et rien de ce qui s’y passe n’en ressort. Ce séjour initiatique peut durer une à deux semaines et la sortie est fêtée à grande pompe.
Votre serviteur qui est un des futurs initiés vous donne rendez-vous durant la première quinzaine du mois d’août prochain afin de partager le Bukut de Diatock 2015.
C’est quoi le Bukut ?
Définir le Bukut revient à le présenter sous sa forme, tout en sachant que son fond (dans les détails), reste un mystère pour les non initiés et un secret pour les initiés. Ce préalable établi, on peut présenter le Bukut comme une initiation à travers laquelle le jeune diola (futur-initié) est soumis à une série d’épreuves à la fois physiques et artistiques, instructives et spirituelles. Sur ce sujet, l’animateur culturel Oumar Badiane disait que le Bukut est « une cérémonie d’initiation… une étape qui vise à intégrer le jeune Diola dans sa communauté ». De cette façon, le « Bukut » assure la reproduction de cette société par la transmission des valeurs principales auxquelles se réfèrent tous ses membres. L’un des objectifs majeurs de l’initiation consiste en l’établissement d’un cercle de solidarité durablement ancré sur des symboles et des valeurs cosmogoniques fièrement partagés dans la ferveur culturelle et l’engouement de toutes les composantes sociales de la collectivité.
« L’initiation enchaîne », dit-il « définitivement et complètement l’individu au groupe initiatique, fait de lui un homme à part entière, reflet obéissant et fidèle de la communauté". Pour le jeune initié, ce temps de formation constitue son entrée dans la société adulte, son installation dans le processus de maturité. C’est son introduction dans la vie du code, du décodage, du mystère, de l’évidence non évidente, de la logique complexe. Cette initiation collective est au fondement d’une société égalitaire où la structure des relations entre les individus, selon leurs fonctions et leurs statuts, ne s’appréhendent pas aisément. La société diola a toujours été présentée comme égalitaire, non hiérarchisée, sans castes. Ainsi, cette initiation, loin d’être contradictoire avec une éducation moderne, peut contribuer à consolider les fondements des systèmes d’éducation.
Source : Oumar Badiane, Le rite initiatique du « Bukut » : dynamiques sociales et transmission du patrimoine culturel chez les Diolas de Basse-Casamance (Sénégal), mémoire de master en développement, gestion du patrimoine culturel.
24 avril 2019 à 01:53
Merci Monsieur Diatta pour cette belle publication qui nous permet déja de voire, de comprendre et surtout de renouveler et d’aquérir davantage de connaissance sur cette belle cérémonie initiatique.
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29 février 2016 à 16:12, par Ousmane goudiaby
Merci de nous donner toutes ces informations ça nous permet de mieux connaître notre histoire
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20 juillet 2015 à 14:46, par Diatta Abdoulaye
JAtti emite sem e paane jack cou tiyom
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13 juillet 2015 à 00:35, par sagna vieux ansou
salam bonne continuation l’ article est de qualité mercie
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11 juillet 2015 à 17:15, par sagna yakhoub
machalallah amandiout mi a amandiout emitecanenne ou matal bou coutabou di kayre pan diack ban pan diack ,,,inchallah soundia de mite
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30 juin 2015 à 12:47, par Mamadou Lamine DIEME
Merci à vous tous. Avec l’aide de Allah, subhana watala, nous serons à Diatock à la période indiquée. Je souhaite rencontrer Oumar Badian et Leopold Sambou. Pour me voir une fois à Diatock, cherchez le Représentant de Radio Tendouck Online. Merci katoral bénikène.
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26 juin 2015 à 12:36, par NOUHA SAGNA
c’est avec grand intérêt ke je lit ce texte à caractère culturel et d’importance dans un un processus de valorisation de la culture Diola. La culture est le seul moyen de s’identifier, de montrer ses valeurs. le négliger c’est se perdre. Mw je sw de Diatock, Brico, badioulayène
26 juin 2015 à 14:32, par You Chinu
Merci araalom Nouha, émitékaan utéyaal bukuteub di kassumay
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25 juin 2015 à 13:09, par Oumar BADIANE
Merci pour cet article attachant et le travail d’information sur le patrimoine culturel rural. Je serais des vôtres lors des phases finales de cette cérémonie riche en couleurs et d’enseignement sur le patrimoine culturel des peuples diola de Casamance, de Gambie et de la Guinée Bissau.
26 juin 2015 à 14:29, par You Chinu
Merci à toi aussi Oumar, ton excellent mémoire a permis d’enrichir ce texte. Tu seras la bienvenue également à Diatock chez toi et bonne continuation...
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23 juin 2015 à 22:51, par Leopold SAMBOU
C’est avec une grande émotion que j’ai parcouru ce texte ô combien révélateur de souvenirs. et j’ose espérer qu’il en est de même pour tout diola inité. Nous prions afin que nous arrivions à cette date dans la paix. Je suis de mangagoulack, diatock étant un village frère, vous imaginez alors combien j’ai hâte de prendre mes congés pour les circonstances. Je lance un coucou à tous les villageois et particulièrement à mes frères malang Ecoumaye, mamadou diarkoyé, à mes parents de foutama. je vous dis à bientôt.
24 juin 2015 à 19:22, par You Chinu
Merci Ati et bienvenu chez toi à Diatock, Bukuteub bololaal...
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