Laurence Gavron, prêtresse de la caméra

L’auteur de « Boy Dakar » écrit à partir de sa caméra. Son coup d’œil furtif étale ses personnages dans tous les sens.

Publié le 7 mars 2009   2 commentaires

Princesse-bohémienne des rues de Dakar, Laurence est d’une simplicité déconcertante. Son intégration dans la chair et dans l’âme du peuple sénégalais se lit dans ses œuvres. Les codes et les secrets, les us et les coutumes sont éventrés par la curiosité de notre photographe. Devenues un océan agité, les œuvres de Laurence s’étalent dans le lit du fleuve de son subconscient, à l’embouchure de ses rêves.

Notre écrivaine revendique sa « ceddocité », son refus contre la « blanche portefeuille », la proie facile. Les compromissions sont réduites en cendres par son sens inné de la vie, de la culture wolof.

Boy Dakar est la manifestation du génie d’une fille des réalités des banlieues de Dakar.
La prêtresse de la caméra a su nous livrer les Dieux des bas-fonds de la presqu’île du Cap Vert : Ndiaga Mbaye, Djibril Diop Mambéty, la diva sérère Yandé Codou, Samba Diabaré Samb et les musiciens capverdiens de Dakar.

Les photographies de Laurence sont des sculptures, des peintures, des pierres polies, des toiles où les pinceaux entrent en transe dans le contact épidermique entre le peintre et son tableau.

Les accouplements entre Laurence et sa caméra ou ses feuilles vierges engendrent un édifice d’images. Ici, les frontières entre la photographie et l’écriture n’ont pas été définies. « Boy Dakar » est un scénario où les personnages se bousculent, s’entre déchirent en suivant la chronologie pathétique d’un film, d’un conte, d’un songe.

Metteur en scène déroutant, notre photographe a plus d’une corde à son arc.

Laurence a choisi l’été éternel de Dakar, les couronnes sablonneuses des plages de Ngor. Désormais, notre artiste a choisi les hurlements des contradictions de la société sénégalaise. Laurence a assisté dans les berceaux d’un coucher de soleil sur Dakar à la magie de sa nationalité sénégalaise.

Dans les frissons des vertiges de l’instant, Laurence entend dans l’écho des bouches du vent les pulsations et les souffles des Dieux de l’océan. Elle aura souvent vu la mer déposer sa colère et ses empreintes digitales sur les rochers. Laurence en arrive à une psychanalyse plastique, en mettant Dakar sur le « divan Lacan ». Le subconscient de Dakar parle à ses sans-abris, à ses mendiants, à ses populations, à ses retraités, à ses fonctionnaires, à ses turbans, à ses soutanes, à ses gros bonnets, à ses détournements de deniers publics, à l’alternance, aux embouteillages démoniaques, à la pollution de l’environnement, aux sachets plastiques, aux rencontres culturelles, à la « créolisation », à l’assimilation des apports des uns et des autres.

Les photographies de Laurence sont une chronique quotidienne de la vie de Dakar.

Notre cinéaste construit, déconstruit, écrit, réécrit, avec les poèmes splendides de sa caméra, et défie le temps.

Thierno Saïdou Sall, photos Kamikazz

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Lire 2 commentaires

  • Sénégal

    Quel jolie plume Mr Sall ! Un vrai régal de vous lire et surtout quand vous parlez de « notre sérère bu xess » en termes si éloquents !

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  • Sénégal

    je découvre les artistes,je découvre la culture sénégalaise à travers son art et franchement je vous remercie pour ces articles écrits d’une plume de passionnée.
    Merci beaucoup

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