Art et culture / Entretiens et portraits

Les Cruellas, deux femmes aux multiples visages

Après un long silence, la compagnie “Les Cruellas” revient sur les planches avec “Polymachin”, une pièce mise en scène par Philippe Laurent, avec la collaboration de Patrick Acogny.

Publié le 22 mars 2009  

Mada Ndiaye et Marième Faye, deux femmes aux multiples visages dévoilent tout sur l’univers de la polygamie et des questions liées au genre. Libres dans le style et très énergétiques, les deux comédiennes incarnent des personages fantasques et burlesques, posent le débat et s’éclatent sur scène… Dans cette interview qui se démarque du style classique, questions et réponses perdent la suite logique pour s’apparenter aux répliques comme dans une œuvre dramatique. Levée de rideaux sur un plateau à trois !

Le 221 : Depuis quand jouez-vous au théâtre ?

Marième : Moi, c’est par hasard que je suis arrivée au théâtre il y a plus de 10 ans. J’ai eu la chance dès le départ de rencontrer des professionnels qui avaient des choses à dire et
à donner sur le théâtre. Ainsi, j’ai récupéré la passion de tous ces gens. C’est grâce à eux que j’aime le théâtre.

Mada : Moi aussi, c’est un peu par hasard, par ce que j’étais attirée par le milieu culturel. Et juste après l’obtention du bac, alors que je me promenais à la bibliothèque du CFF (actuel Institut Français Léopold Sédar Senghor, ndlr), je suis tombée sur la pièce de théâtre intitulée « Demain la fin du monde » de Pape Faye. Et c’est là où j’ai rencontré Marième.

Le 221 : Cette rencontre a abouti à la création de votre compagnie dénommée « Les Cruellas ». Pouvez-vous nous parler des débuts de cette aventure ?

Mada : Au fait la troupe a été créée en 2004. Et on a sorti ensuite « Les cruellas », notre première représentation théâtrale. Puisqu’en ce moment, tout le monde nous appelait « les cruellas », on a décidé de garder ce nom.

Marième : Aussi dès le début, comme on aborde des thèmes relatifs à la condition des femmes, on a opté de faire du théâtre sans tabous. On dit les choses comme on le sent sans virer dans une provocation inutile.

Le 221 : Parlez-nous de votre nouvelle création dénommée " Polymachin ?

Mada : Dans la pièce « Polymachin », nous abordons le thème de la polygamie. Nous avons traité ce sujet de manière originale. En général, quand on parle de polygamie, on pense aux co-épouses. Et dans cette pièce, on aborde le sujet de façon ludique. On ne s’intéresse pas seulement aux femmes, on touche la situation des enfants, du voisinage, car en préparant ce travail on a réalisé des interviews. Et en interrogeant certains adultes, on s’est rendu compte qu’on interviewait des enfants d’il y à 30 ou 40 ans. Ces voix d’adultes qu’on entendait, étaient en réalité des pleurs d’enfants. Et c’était très émouvant.

Le 221 : Etes-vous pour ou contre la poly- (elles coupent)

Mada : Moi je suis contre « moom » !

Marième : Catégoriquement contre !

Le 221 : Avez-vous placé des gardes fous pour empêcher votre mari de vous trouver une ou des coépouses ?

Marième : Pas besoin de placer des gardes fous ! dans le cas où…

Mada : Signature ! (à haute voix)

Marième : (Rires) C’est quelque chose de claire. Moi je suis mariée avec un homme que j’aime et qui m’aime. C’est une union d’amour. Et dans cette union, il y a un contrat. Je ne parle pas du contrat signé à la mairie. C’est le contrat du cœur. Et quand tu aimes une femme, tu ne peux pas lui imposer cela. C’est inhumain !

Le 221 : Au fait, c’est pas si méchant que ça, car les hommes appellent ça, affectueusement « wuteul le rakk » (te trouver une petite sœur).

Marième : (Rires) Non ! Moi j’ai plein de « rakks », je suis née d’une famille de huit enfants « macha Allah »

Mada : Vraiment !

Le 221 : Comment menez-vous, vie d’artiste et vie conjugale ?

Marième : Moi j’ai la chance d’avoir un mari qui me soutient, qui me pousse. Il n’hésite pas à se mettre devant l’ordinateur pour finaliser un dossier, me conseiller sur un endroit où on pourrait se produire…

Mada : Pareil pour moi, tout va bien.

Le 221 : Vous arrive t– il de jouer pour votre mari ?

Marième : Bien sur, tous les jours même.

Mada : De jouer pour lui ? siiiiiiiii ! Je joue à la demande et sans cachet.

Le 221 : Vous jouez seulement à deux depuis 2004. Est-ce un choix d’évoluer dans une sorte de « two women show » ou une exigence des œuvres interprétées jusque-là ?

Mada : C’est vrai que depuis la première pièce, on joue à deux. Mais c’est plus par ce qu’on a les mêmes motivations, la même énergie pour y aller. Et par expérience, on s’est rendu compte, qu’a deux ça avance plus vite. On a déjà essayé de travailler avec d’autres personnes, mais ça prenait toujours trop de temps, et certains n’étaient pas prêts à faire les sacrifices qu’il fallait quand on est à ses débuts.

Marième : Il y a aussi la confiance. Avec Mada, je sais que je peux parler des cruèllas même en son absence. Je la connais assez pour parler en son nom.

Le 221 : En ce mois de mars dédié aux femmes, qu’elle est la position des cruellas sur cette question du genre ?

Mada : On défend toutes les femmes qui subissent. Si certaines ont choisi par exemple de faire dans la polygamie, on doit respecter ce choix. Mais pour celles qui sont forcées à vivre dans la polygame, on les défend.

Le 221 : Parlez nous de votre expérience sur l’international ?

Mada : On a été au Festival d’Avignon (France, ndlr), il y a deux ans. Cette année on y retourne aussi en juillet prochain. Quand on y était, on a rencontré beaucoup de professionnels venus de la Belgique, Roumanie… C’était très enrichissant pour nous de sortir du Sénégal où il y a un semblant de théâtre… (Éclat de rires)

La prochaine prestation des Cruellas est prévue en avril prochain au Théâtre National Daniel Sorano de Dakar

Contacts

+221 77 636 54 97
lescruellasdakar hotmail.com
http://www.myspace.com/lescruellas

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